avant-portrait RENTRÉE LITTÉRAIRE > Colson Whitehead

Depuis un an, Colson Whitehead est la coqueluche américaine. Obama, Oprah Winfrey, la presse nationale ou le Pulitzer ont consacré son dernier roman. Harvard magazine le qualifie de "caméléon littéraire", tant il jongle avec les styles. L’auteur aux longs dreadlocks a grandi à New York. "J’ai toujours été avide de lecture." Son goût pour la BD, la télé, Stephen King ou les films d’horreur cohabite parfaitement avec son désir d’écrire. "Avant, j’inventais des histoires de robots ou de loups-garous", mais Cent ans de solitude a marqué un tournant. A l’université, Colson Whitehead se voit refuser un cours d’écriture créative. Qu’à cela ne tienne, il devient journaliste pour l’hebdomadaire The Village Voice. La meilleure école selon lui, qui caracole désormais parmi les noms qui comptent dans son pays.

"Tous les hommes naissent égaux, mais on peut décider que vous n’êtes pas humain, écrit Colson Whitehead. Je ne me suis pas réveillé un matin en disant "Eurêka, je suis noir", or la question raciale en Amérique me préoccupe." Elle inonde son roman phare, Underground railroad, sur les heures sombres de l’esclavage. "C’est un miracle que quiconque ait survécu à cette brutalité absolue. Je dois la vie à mes ancêtres qui ont connu l’enfer."

Présence du racisme

Aussi l’écrivain offre-t-il une voix à "ceux qui n’ont joué qu’un rôle infime dans l’Histoire". Une démarche inaugurée par le Federal Writer’s Project de Roosevelt, récoltant des témoignages d’esclaves. Ici, ils ont les traits de Cora, qui refuse de subir sa condition. Elle saisit sa chance quand Caesar l’encourage à fuir vers les Etats libres du Nord. Ce chemin, semé d’embûches, lui révèle toute l’horreur d’une haine vouée aux Noirs.

"Ce racisme est toujours présent", déplore Colson Whitehead. La force du livre est de l’aborder sous de multiples angles, dont celui du chasseur d’esclaves. Un réseau d’entraide et de résistance a existé. L’auteur ravive cette route ferroviaire de la liberté, qu’il imagine souterraine. A l’image des dessous sibyllins de l’être humain. Héroïque, Cora se bat pour que l’espoir triomphe. Elle nous renvoie à la volonté des réfugiés contemporains. "La littérature étant puissante, les esclaves devaient rester analphabètes. La création ressemble à un tunnel, mais elle regorge aussi de lumière. J’espère que, grâce à Cora, les gens regarderont le monde différemment."

Kerenn Elkaïm

Underground railroad de Colson Whitehead, Albin Michel, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Serge Chauvin. 22,90 €, 402 p. Sortie : 23 août. ISBN : 978-2-226-39319-7

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