17 NOVEMBRE - PHILOSOPHIE République tchèque

Prague, son château, la ville d'or. C'est là qu'est né Bernard Bolzano (1781-1848), homme de langue et de culture allemandes dans un bain de Bohême. Après l'université de Prague où il étudie les mathématiques, la physique et la philosophie, il devient prêtre. Il enseigne la théologie tout en se passionnant pour la logique, deux disciplines pas toujours compatibles. Dans ses cours, il glisse de plus en plus vers la liberté de penser, mettant un peu trop de raison dans son catholicisme. Il finit par être accusé d'hérésie et démis de ses fonctions. Ses publications philosophiques sont interdites, et Bolzano, rongé par la tuberculose, consacre les dernières années de sa vie à l'écriture de sa Théorie de la science, publiée en 1837.

C'est son grand oeuvre, la réflexion qui l'aura occupé pendant vingt ans, qu'il nous est donné à lire aujourd'hui. Car en effet, curieusement, alors qu'il est à juste titre considéré comme l'un des pères de la logique moderne, ce travail titanesque de Bolzano n'était pas traduit en français. Dans cet ouvrage difficile, il essaie ni plus ni moins de fournir des fondements logiques à toutes les sciences.

Friedrich Kambartel a entrepris un travail considérable pour éditer cette oeuvre en allemand en 1978. C'est cette édition qui est proposée. A l'origine, il ne s'était vendu que quelques exemplaires des 4 tomes de la Théorie de la science. On considéra même qu'il avait sans doute été le seul à lire son ouvrage.

Celui que l'on surnomma le "Leibniz tchèque" resta inconnu. Jusqu'à ce que des philosophes viennois perçoivent l'importance de cette oeuvre au début du XXe siècle. Husserl l'a placée au plus haut en célébrant Bolzano comme "un des plus grands logiciens de tous les temps". De lui, on disposait en français des Paradoxes de l'infini (Seuil, 1993), De la méthode mathématique (Vrin, 2008) et des Premiers écrits (Vrin, 2010). La parution de ce livre majeur était donc attendue.

A bien des égards, cette Théorie de la science s'apparente à une théorie de la découverte de la vérité. Pour Bolzano, une science est un ensemble de vérités organisé dans la totalité des vérités. L'ouvrage n'est pas d'une lecture facile. Bolzano ne donne pas dans la légèreté. Son style est lourd, plein de circonlocutions, de détours et d'analogies, assez caractéristique d'une certaine philosophie allemande qui met des plombs là où il faudrait des plumes. Il n'en reste pas moins que sa pensée est puissante. Il a simplement fallu quelques années pour que l'on dispose d'outils simplifiés comme celui-ci, qui prend le meilleur des 4 volumes, pour saisir cette oeuvre magistrale et complexe.

Jusqu'au chapitre 150, le lecteur expérimenté peut suivre. Après, il lui faut quelques bouées mathématiques pour ne pas sombrer dans la démonstration logique. Quoi qu'il en soit, il s'agit bien d'un événement éditorial, dans le champ de la philosophie des sciences. On sait désormais que la logique est aussi enfant de Bohême, mais sa compréhension n'en est pas plus aisée.

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