Socrate, Pascal, Spinoza, Marx et Nietzsche font le Tour de France. Qui va gagner ? La réponse ne pouvait être fournie que par un cycliste professionnel, philosophe de surcroît et amateur d'espièglerie. Guillaume Martin s'entraîne six heures par jour, mais il n'est jamais seul en selle. L'accompagnent ces grands penseurs qu'il nomme « vélosophes ». Pas de doute, sur le sujet il en connaît un rayon. A Nanterre, son mémoire de master s'intitulait « Le sport moderne : une mise en application de la philosophie nietzschéenne ? ». Une façon pour lui de dire qu'il se sentait plus proche d'une certaine forme d'individualisme assumé dans l'épreuve que d'un altruisme de façade. « Mon idée fut de dire que la philosophie de Nietzsche permettait paradoxalement de mieux décrire le vécu du sportif que l'idéologie olympique en vigueur de nos jours. »

Entre deux passions

Mais comment devient-on coureur nietzschéen ? Il faut remonter à l'enfance dans l'Orne, au grand air dans ce territoire vallonné et à la pratique du vélo dès 6 ans. Son père est prof d'aïkido, sa mère comédienne. A 13 ans, ils l'inscrivent dans un club cycliste pour satisfaire son besoin de compétition. Au collège, il découvre Alain, le philosophe normand des Propos, puis Nietzsche dont la lecture de Ecce Homo l'éblouit. Dans Socrate à vélo, il l'imagine en grimpeur aérien, façon Pantani, avalant la montagne comme Zarathoustra. Dans ce premier livre, Guillaume Martin revient sur son parcours et refait le Tour en compagnie des grands penseurs qui l'ont marqué avec Sartre en directeur d'équipe et Machiavel en stratège du peloton.

« C'est une manière pour moi de parler du sport aux philosophes et de la philosophie aux sportifs. » Pour lui, l'un ne va pas sans l'autre. Comme sur son vélo, c'est une question d'équilibre entre deux passions, celle de la compétition de haut niveau et celle de l'écriture. « Il y a une ambition vulgarisatrice chez moi. J'ai envie de faire comprendre ce qu'est le cyclisme et ce qu'est la philosophie, sans jargon, et comment l'un peut éclairer l'autre. »

Guillaume Martin veut aussi montrer que les sportifs sont intelligents, qu'il y a chez eux une discipline du corps qui passe aussi par l'esprit et par la volonté. Il revient sur la boutade de Coluche : « Pourquoi les footballeurs sont-ils si bêtes ? Parce que tout le temps qu'ils passent à courir derrière un ballon, ils ne le passent pas à se demander pourquoi ils le font. » Il considère que la formule n'est pas totalement fausse, sauf que lui sait pourquoi il appuie sur les pédales au prix de souffrances extrêmes.

Mais pourquoi le vélo plutôt que la philo ? « Parce que le risque de sérieux y est limité. » Il veut conserver cet esprit ludique qui l'autorise à écrire une pièce de théâtre sur Platon ou envisager Spinoza le nez dans le guidon dévalant les Champs-Elysées. Ce libre arbitre, cette audace, il les retrouve dans la compétition sportive où il n'est pas question d'absolu, mais seulement de gagner.

Même s'il dit ne pas avoir de plan de carrière, s'il garde le braquet sur ce qu'il aime faire, l'avenir de Guillaume Martin semble tout tracé. Il n'ira pas plus loin dans son parcours universitaire. « Je ne me vois pas m'engager dans la recherche, vers un doctorat. » Le vélo l'emporte pour l'instant sur la philo. Mais il ne renonce pas à l'écriture, à d'autres projets de livres, hors de l'image de « vélosophe » qui lui colle un peu à la peau. Pour le moment, il s'entraîne intensément en Espagne. Les premières courses commencent fin janvier et il doit être fin prêt pour son troisième Tour de France. A 25 ans, le jeune homme avance sereinement. En roue libre.

Guillaume Martin
Socrate à vélo : le Tour de France des philosophes
Grasset
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 17 euros
ISBN: 9782246815754

Les dernières
actualités