Francfort 2023

Les leaders de l'édition mondiale 2023

Le siège de Simon & Schuster à New York. - Photo Getty Images via AFP - 2023 Getty Images - MICHAEL M. SANTIAGO

Les leaders de l'édition mondiale 2023

Des rachats colossaux en suspens des deux côtés de l'Atlantique, des raz de marée technologiques annoncés par l'intelligence artificielle... Le classement des 50 leaders de l'édition mondiale 2023, initié il y a bientôt 20 ans par Livres Hebdo, et publié, conjointement dans cinq pays et sur trois continents, à l'occasion de la Foire internationale du livre de Francfort qui s'ouvre mercredi 18 octobre, semble stagner. Mais il faut se méfier des flots qui dorment comme du lait sur le feu. 

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Par La rédaction de Livres Hebdo 
Créé le 04.10.2023 à 14h24 ,
Mis à jour le 17.10.2023 à 17h50

NB : le classement complet et ses commentaires est à retrouver en PDF dans les documents liés à cet article ainsi qu'ici : 

Classement Global 50 2023

 

NB : le rapport complet Global 50 est disponible à cette adresse

 

Le classement 2023 des 50 plus gros éditeurs, sur la base de leurs revenus 2022, n'a pratiquement pas évolué par rapport à celui de l'année précédente, du moins en façade. Mais à bien y regarder, en profondeur, on perçoit des mouvements sous-jacents, contrastant avec la stabilité de la surface. Ainsi, l'activité générée par l'ensemble des 50 premières entreprises d'édition au monde s'est accrue de 6,6 %. Portée par celle du top 10 qui représente 55 % de l'activité totale, et qui augmente même de 10,2 %. Comparé à la stabilité des revenus générés par les éditeurs classés entre la 11e et la 20e place, et à la très légère progression (3,2 %) du reste du classement, c'est une performance remarquable des plus grands groupes. Cette année 2023 marque également les 10 ans de l'acquisition par Penguin de Random House, qui a déclenché une vague de fusions et d'acquisitions entre grands et moyens éditeurs internationaux, après une concentration plus forte dans le secteur de l'édition scolaire et professionnelle. Ce mouvement de fond s'est heurté depuis environ deux ans aux autorités de régulation de la concurrence. L'annulation par la justice américaine du rachat de Simon & Schuster par le même Penguin Random House à l'automne 2022, comme le refus de la Commission européenne opposé au projet d'acquisition de Lagardère, maison mère d'Hachette Livre, par un Vivendi qui aurait conservé Editis, ont marqué la fin d'une séquence. Celle du « winner takes it all » de la concentration éditoriale au sens capitalistique.

La trêve est déclarée

Ce coup d'arrêt des organismes régulateurs n'empêche pas le secteur de l'édition d'évoluer de manière empirique : plus on est gros, plus on grossit. Il a cependant deux impacts à court terme. Le premier est celui d'immobiliser le secteur le temps de la régulation, qui peut durer plusieurs années. On le voit en France avec le dossier Vivendi-Lagardère qui concentre l'attention du milieu depuis deux ans. D'aucuns prédisent que, une fois le deal finalisé, de nombreuses opérations de fusions ou d'acquisitions mettront en ébullition un écosystème faussement inerte. La -deuxième conséquence de la régulation est d'entraîner l'apparition de nouveaux acteurs. Ainsi, c'est l'industriel tchèque Daniel Kretinsky qui est promis à Editis, le numéro 2 français et 25e mondial. Aux États-Unis et à la surprise quasi générale, c'est le fonds d'investissement KKR qui doit s'emparer du groupe Simon & Schuster, numéro 4 national et 20e mondial, mis en vente en 2021 par Paramount. Le géant du capital-risque a mis 1,65 milliard de dollars sur la table, contre les 2,18 milliards proposés par PHR il y a deux ans. Qu'ont en commun ces nouvelles têtes ? KKR et Daniel Kretinsky ont déjà investi dans les médias en Europe. Le fonds détient plus de 42 % du groupe Axel Springer, un poids lourd allemand des médias, tandis que le Tchèque a racheté de nombreux titres de Lagardère (Elle, Télé 7 jours, Public...) en France. Que ressort-il de leurs investissements ? Les deux semblent respecter les principes de base des métiers sur lesquels ils ont investi tout en améliorant les processus et en développant les plateformes digitales.

Techno parades

Cette période est assurément stratégique et l'avenir dira si elle se révèle être charnière sur les modes de consommation du livre à travers le monde. Le format papier résiste mieux dans l'édition que dans la presse, certes, mais l'effritement du volume global des ventes corrélé à l'augmentation du prix des matières premières et de l'énergie nécessite une transformation agile de la filière. Les acteurs de l'écrit qui auront une assise financière -suffisamment solide devraient sortir grandis de cette période de bouleversements. Une révolution qui va, par exemple, bien au-delà de l'impact sur le secteur de la liseuse électronique distribuée depuis 2007, par Amazon puis d'autres acteurs. En une quinzaine d'années, le public a adopté le numérique pour une myriade d'usages, y compris pour interagir directement avec les livres et leurs auteurs. Récemment un nouveau niveau a été atteint avec des services tels que TikTok. Alors qu'on s'interroge encore sur ce que vont provoquer les IA génératives telles que ChatGPT dans le secteur.

À court terme, les éditeurs de livres semblent s'être bien adaptés à ces transformations, du moins au regard de leur chiffre d'affaires global- qui est au centre de l'attention de ce classement. Mais la situation est plus complexe lorsqu'on l'observe avec une perspective plus transversale. Sur de nombreux marchés du livre, le chiffre d'affaires généré par l'édition s'est stabilisé, ou n'a que modérément diminué. Mais lorsqu'on la mesure en volume- ou en copies consommées -, l'évaluation est beaucoup plus mitigée. Sur les marchés les plus matures, comme dans une grande partie de l'Europe occidentale, les résultats financiers ont été dopés par les hausses de prix fixées par les éditeurs. Mais plus important encore, la plupart des statistiques du secteur n'incluent pas entièrement les nouveaux modèles « non traditionnels » d'édition et de consommation de livres, tels que l'autoédition ou le streaming. Et on commence à observer comment certains grands groupes d'édition s'aventurent sur ces nouveaux territoires, tout en essayant de se protéger de cette concurrence externe par des acquisitions de leurs challengers les plus directs. Il est toutefois bien trop tôt pour prédire si cette stratégie sera viable à long terme. Et bien des bouleversements grondent derrière ces horizons.

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