"Dans le scolaire, c’est le système de subvention choisi par la Région - versement aux établissements ou aide aux familles - qui structure le marché pour la librairie", rappelle Matthieu de Montchalin, président du Syndicat de la librairie française (SLF) et P-DG de L’Armitière à Rouen, à propos de la vente de manuels aux lycéens. Dans le premier cas, les établissements lancent des appels d’offres et sélectionnent le libraire accordant la meilleure remise, autour de 25 %, à ponctionner sur les 31,5 % du taux accordé par les éditeurs scolaires. Le bénéfice se fait sur le volume cumulé, ce qui réserve ce marché à quelques revendeurs spécialisés (EMLS, LDE, Sadel) ou à de grandes librairies disposant d’un service dédié. De même, dans le primaire et au collège, "une fois le transport déduit, il reste 3,5 % de marge pour couvrir les frais fixes et la masse salariale. Dans les librairies moyennes, personne ne gagne d’argent. Mais elles répondent pour avoir le marché du CDI, et rester l’interlocuteur d’un établissement ou d’une ville", explique Matthieu de Montchalin.
Dans les régions qui ont choisi l’aide aux familles, la vente de manuels scolaires reste mieux répartie, entre les librairies comme dans le temps : lorsqu’il n’y a pas de réforme, le marché de l’occasion prend le relais. Le libraire y a aussi sa place. "Le chiffre d’affaires est moindre pour plus de manipulations, mais on s’adapte", précise le président du SLF, dont la librairie, en Haute-Normandie, se trouve dans une région ayant opté pour l’aide aux familles. "Les élections régionales auront lieu l’an prochain : elles supposeront un travail de tous pour expliquer aux candidats les bienfaits de ce système, et rappeler à ceux qui ont choisi l’autre solution qu’elle fragilise considérablement le tissu des librairies, comme on le constate en Ile-de-France", anticipe-t-il.
La bascule numérique inquiète moins le président du SLF : "Les deux grands groupes ont reconnu le rôle du libraire, alors qu’ils ne l’acceptaient pas dans ce circuit il y a quelques années", se rassure-t-il. Pour lui, "le but, c’est qu’il n’y ait pas que trois intervenants en France capables de participer à ce marché", même si ce dernier demeure pour l’instant "de l’ordre du fantasme".