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Les marques citées dans les livres

Les marques citées dans les livres

L'utilisation croissance des marques comme termes génériques dans les livres est source de contentieux récurrents. Une ordonnance du 13 novembre 2019, intégrée au Code de la propriété intellectuelle encadre cette pratique problématique. 

Meccano, caddie ou encore frigidaire sont autant de marques utilisées dans les livres comme des termes génériques. Or, une ordonnance en date du 13 novembre dernier, intégrée au Code de la propriété intellectuelle (CPI), vient encadrer cette pratique problématique, source de contentieux récurrents.

Les marques redoutent en effet par-dessus tout ce que les spécialistes appellent la "dégénérescence". Rendre une marque générique, c’est la faire entrer dans le vocabulaire courant, à un point tel que son titulaire perd tout droit sur la précieuse dénomination.

Le syndrome "Pédalo/Frigidaire", du nom de ceux qui, parmi les plus célèbres, ont fait les frais de cette règle de droit, n’est jamais loin ; et les marques ont d’ailleurs la gâchette de plus en plus facile contre l’emprise de la vie quotidienne sur leur notoriété. 

Utilisation croissante

Il en est ainsi, à l’heure actuelle, de "meccano", "caddy" ou "aquagym" qui sont autant de marques déposées de plus en plus usitées par le grand public comme par la presse et la littérature pour désigner des activités génériques. 

Le Tribunal de grande instance de Paris, dès 1980, a condamné de son côté, et avec retentissement, un écrivain dont le héros utilisait un "bic" au lieu d’écrire avec "Bic", accompagnée de la précision qu’il s’agissait bel et bien d’un signe protégé... Et Meccano agit très régulièrement ces dernières années contre des éditeurs, entraînant une jurisprudence nourrie.

Difficile aujourd’hui cependant, pour le romancier contemporain, de décrire un centre-ville sans citer, au lieu d’une mercerie et d’une calèche, les noms d’un supermarché et d’un modèle de berline… De Frédéric Beigbeder à Naomi Klein, plusieurs auteurs à succès ont dénoncé en librairie le pouvoir des marques.

Omniprésence des marques

La force du droit des marques est telle que, paradoxalement, par une intéressante mise en abîme, les dénonciateurs de cette emprise s’exposent juridiquement, par la mention ou la reproduction des signes litigieux. Décrire la vie contemporaine, l’économie, la politique, la rue, les faits divers ou encore le contenu d’un réfrigérateur, c’est aussi et surtout citer des marques, désormais omniprésentes.

Journalistes et romanciers accusent les entreprises de détourner l’objet et la finalité des règles protectrices des marques, afin de museler, par exemple, le libre droit de critique à l’encontre de leur politique sociale. En effet, aux termes de l’article. L. 713-2 du CPI, "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire (…) la reproduction, l’usage ou l'apposition d’une marque (…), ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement". C’est donc la concurrence, cherchant à tromper le consommateur moyen, qui est visée en premier lieu.

Mais le droit des marques s’impose aujourd’hui dans bien d’autres situations. Ainsi, l’article L. 713-5 du CPI protège les marques notoirement connues ou "jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l' enregistrement", dont l’usage "engage la responsabilité civile de son auteur s'il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière". Le droit des marques permet donc à son titulaire d’interdire toute utilisation du signe distinctif.

Paradoxe

Un tel type de contentieux illustre le paradoxe des marques, qui cherchent de plus en plus à envahir l’univers visuel et sonore, mais recourent sans cesse à la justice. Dans le même registre des atteintes au nom, rappelons les quelques affaires qui apparaissent sporadiquement, mettant en scène des homonymes de personnages de romans.

Il est bien évident que l’absence de confusion possible entre le plaignant et le personnage suffit à écarter la responsabilité de l’écrivain et de son éditeur. Les tribunaux ne condamnent les éditeurs et leurs auteurs sur le fondement de l’atteinte au nom que si une confusion et un préjudice (c’est-à-dire la présentation du personnage sous un jour négatif) sont établis. 

Enfin, surtout, le CPI dispose désormais, en vertu de l’ordonnance du 13 novembre 2019 rentrée déjà en vigueur, que "lorsque la reproduction d'une marque dans un dictionnaire, une encyclopédie ou un ouvrage de référence similaire, sous forme imprimée ou électronique, donne l'impression qu'elle constitue le terme générique désignant les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et que le titulaire de la marque en fait la demande, l'éditeur indique sans délai et au plus tard lors de l'édition  suivante si l'ouvrage est imprimé qu'il s'agit d'une marque enregistrée". 

Et une clause de mise en garde ("toute ressemblance…") peut constituer un début de protection efficace, si elle ne sert pas à déguiser une intention de nuire. Autant dire qu’il vaut mieux prévenir que guérir et s’inquiéter de cela par anticipation lors de la préparation du texte… 

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