Au cœur des préoccupations écologiques et économiques, le livre d'occa-sion provoque des débats, notamment pendant les dernières Rencontres nationales de la librairie. Or ce marché ne profite pas toujours aux librairies, même si certains nouveaux horizons se dessinent.

L'étude menée par la Sofia et le ministère de la Culture révèle que la librairie ne représente que 6 % des circuits d'achat privilégiés pour le livre d'occasion. Parmi les 175 librairies qui ont répondu à cette enquête, seules 20 % proposent de l'occa-sion, dont la moitié ne le fait que lors d'événements ponctuels comme des bourses aux livres. Pourtant, plusieurs librairies spécialisées dans l'occasion ouvrent chaque année, et des rayons dédiés fleurissent depuis une dizaine d'années dans les librairies généralistes.

Parmi les spécialisées, Le Bibliovore a ouvert sa première boutique à Tours en 2015 après avoir vendu dans des brocantes pendant trois ans. Chaque boutique fonctionne avec un prix unique (3 € un livre, 10 € les 4) et le groupe lance ce mois-ci une 10e enseigne au Mans, gérée par Roseline Hui-Bon-Hoa : « C'est avant tout un réseau, dans lequel on reçoit beaucoup de conseils et de soutien. » D'autres enseignes racontent leur mauvaise expérience avec l'occa-sion et les raisons pour lesquelles ils ont abandonné leur espace dédié. L'Oiseau siffleur, à Valence, avait construit sa marque autour d'un concept qui mêlait la vente de livres d'occasion et neufs. « Ce n'est pas le même métier, il faut beaucoup de stock, avoir le temps de trier, stocker ses ouvrages... », précise le libraire, qui a finalement dû interrompre son offre en occasion et se concentrer sur le neuf pour maintenir son chiffre d'affaires au beau fixe.

La BD et la jeunesse restent les segments les plus dynamiques en occasion (comme pour le marché du neuf). Les librairies d'occasion spécialisées connaissent une belle période : la demande ne cesse d'augmenter. Pour Vladimir Lecointre, libraire chez Aaapoum Bapoum (spécialisée en BD d'occasion depuis 1994), la tendance d'aujourd'hui à envoyer les livres au pilon beaucoup plus rapidement qu'auparavant génère plus vite l'épuisement d'un titre. Résultat : certains livres deviennent rapidement des pièces rares, voire de collection. Il précise : « Cela attire un public de collectionneurs, mais aussi de néocollectionneurs, comme il en existe déjà dans le manga. » Dans un tout autre univers, celui des librairies francophones à l'étranger, Jeanne Lepine a ouvert en avril dernier la librairie -L'Occasion rêvée, dédiée à la communauté d'expatriés à Barcelone. La clientèle, très attirée par la seconde main, raffole des livres jeunesse à bas prix. Les clients y déposent leurs propres livres contre des bons d'achats, et la boutique tourne avec 12 000 livres (300 entrent et 200 sortent toutes les semaines).

Le groupe Nosoli (Furet du Nord et Decitre) a monté en avril devant toutes ses librairies des bacs à livres d'occa-sion. « La demande était très forte, explique le directeur du groupe, Cyril Olivier. Il s'agit d'une réponse au pouvoir d'achat, mais il y a aussi une dimension glamour. L'occasion n'est plus du tout taboue, même pour des lecteurs qui ont un fort pouvoir d'achat. »

La première librairie de France, Gibert Joseph, est spécialisée dans l'occasion depuis ses débuts en 1886. Le fondateur de cette enseigne, à l'origine bouquiniste, était attaché au livre ancien, mais aussi soucieux de donner accès aux livres à des personnes aux faibles moyens, comme les étudiants. Malgré la fermeture récente d'une de ses enseignes historiques à Paris, Gibert se porte bien. « Nous avons à cœur de faire perdurer les œuvres », explique Nicolas Vielle, directeur commercial de la librairie. Les critères de sélection d'un livre ? Un (très) bon état et sa qualité ou son potentiel commercial, un choix que font les libraires. « Ils sont plus exigeants encore que nos clients », sourit Nicolas Vielle. Gibert souhaite d'ailleurs monter, dans les mois à venir, une plateforme nationale qui puisse distribuer toutes les librairies en occasion, et ainsi devenir un grossiste du secteur. M. F.

17.10 2023

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