Corps étranger. Un corps étranger, voilà ce qu'est Servane, l'héroïne des Obsessions bourgeoises, le deuxième roman de la journaliste Madeleine Meteyer (après un déjà très abouti La première faute, JC Lattès, 2021). Un corps étranger, car, venue de son Colmar natal, l'adolescente atterrit à 15 ans, en 2006, déjà pleine de craintes et d'ambition, dans un très chic lycée privé du 5^e arrondissement de Paris. Les nouvelles amies de Servane se nomment Thaïs, Mathilde et surtout Céleste, une gamine toute en délicieuse insolence, un sac Birkin en bandoulière, qui ne s'en laisse pas conter puisque voilà longtemps que dans sa famille on a cessé de compter... Céleste sera, sans jamais se départir de son élégante nonchalance qui participe de sa maïeutique, l'initiatrice de Servane vers un monde auquel la jeune Parisienne croyait seule pouvoir prétendre. L'amitié entre les deux jeunes femmes qui partagent tout, secrets et appartement, ne fera qu'aller croissant jusqu'à ce jour où Céleste s'apprête à fêter en grande pompe son vingt-septième anniversaire. Lors de la soirée, un vase Lalique de grande valeur sera dérobé et cette disparition va agir sur les colocataires, sur leur monde aussi, comme un rideau déchiré, le dévoilement progressif d'un univers de mensonges et de dissimulation. Ni Servane ni Céleste ne sont de petits anges...

« Rêveuse bourgeoisie », écrivait Drieu La Rochelle. Cruelle bourgeoisie, rajoute ici Madeleine Meteyer au fil d'un récit où l'ironie le dispute à l'empathie. Ce n'est pas seulement une classe sociale que documente la jeune romancière, c'est aussi une époque, un début de siècle, qu'elle réenchante par la justesse de son observation. Loin de tout simplisme benêt ou pire, cynique, elle donne à voir − tropisme de la journaliste ? − un état des lieux et d'âme, dans toute sa complexité. Rappelant au passage après Balzac, qu'il n'y a pas d'autre roman, au fond, que celui de l'argent. Pas d'autre passion pérenne.