7 janvier > Premier Roman France

Octavio lit ce que plus personne ne sait lire. "L’oiseau à la trace de ses pattes, la souris à ses débris, la mule à l’empreinte du sabot." Il lit le monde et ses petites épiphanies, mais - et c’est son grand secret - il ignore l’alphabet. Donc, il sait vivre - et peut-être plus intensément que d’autres -, mais de sa vie, de son passé, de celui de son pays, le Venezuela, il ignore tout et d’abord leur mode d’emploi. Il faudra la rencontre d’une femme pour que se dénouent peu à peu les fils d’un avenir possible. Il faudra aussi la rencontre d’une bande de cambrioleurs installée dans une église désaffectée, avec à leur tête un dandy messianique amateur d’art, pour qu’Octavio se voie contraint de reprendre son voyage, se perde dans la forêt profonde de son pays et de ses identités multiples. L’exercice sera dangereux, violemment poétique, prophétique, et finalement profitable.

Pour son coup d’essai romanesque, Miguel Bonnefoy ouvre très grand les portes de la perception. Dans Le voyage d’Octavio, en 130 pages seulement (c’est un court roman, c’est un long poème, c’est un conte, une fable inquiétante), il s’autorise tout, toutes les fulgurances, et aussi à bousculer la morne quiétude du vraisemblable. Ce n’est pas la première fois qu’on lit cela, ce désordre joyeux, baroque, recueilli, est déjà celui de García Márquez ou d’Onetti, celui du réalisme magique, mais c’est la première fois qu’on le lit en français (né au Venezuela, Miguel Bonnefoy fut remarqué l’an dernier lorsqu’il obtint pour une nouvelle le prix du Jeune écrivain de langue française). Ce qui donne à ce fascinant coup d’essai toute sa précieuse inactualité.

O. M.

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