Avant-critique Récit

Paolo Rumiz, "Une voix sortie des profondeurs" (Arthaud)

Paolo Rumiz - Photo © Isabella DE MADDALENA/opale.photo

Paolo Rumiz, "Une voix sortie des profondeurs" (Arthaud)

Rentrée littéraire

Récit épique du grand écrivain voyageur Paolo Rumiz, Une voix sortie des profondeurs nous entraîne dans l'Italie des tremblements de terre et des grondements du magma.

Parution 27 août

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Par Laurent Lemire
Créé le 31.07.2025 à 09h00

Les entrailles de la Terre. Etna, Vésuve, Stromboli. Voici Une voix sortie des profondeurs, qui gronde, qui tumulte, qui bout, fresque allégorique et inspirée, longue prose sonore et randonneuse jouant sur les frémissements d'une histoire bien plus ancienne que l'espèce humaine. Après tant d'ouvrages célébrant ce qui se trouve à la surface du globe, dans son Italie natale comme en Europe, le grand écrivain triestin né en 1947 s'intéresse à ce qui se passe en dessous. « J'étais le fils d'une terre qui tremble. Je lui appartenais et je voulais voir à l'intérieur. [...] Je me disais qu'il n'existait pas ailleurs dans le monde un pays tel que l'Italie, avec son méli-mélo de science, de mythe et d'histoire si fascinant et si solidement fondé sur son sous-sol. » Il s'est donc mis en route et il en résulte cet ouvrage tiré d'une partie de ses reportages pour La Repubblica, un cheminement qui met à nu une sorte de stratification intime pour entendre les râles de la planète, regarder ses vomissures de lave incandescente et sentir ses rejets de gaz toxiques.

Rumiz reprend la méthode qui a fait le succès de ses précédents livres voyageurs, comme La légende des montagnes qui naviguent (Arthaud, 2017, plus de 8 000 exemplaires GfK) ou Appia (Arthaud, 2019, plus de 6 000 exemplaires GfK), à savoir le récit de ses expéditions, le souvenir de ses lectures innombrables, ce mélange subtil d'érudition et de malice toujours bien placés, et bien sûr ses rencontres avec des historiens, des scientifiques ou des égarés comme lui, surtout pas prêts à retrouver le droit chemin. Ajoutons les bonheurs d'expression comme « les étoiles se taisaient, limpides, désertiques, caravanières », « elle parle à la mer avec ses pieds » (dit par un quidam d'une femme dans l'eau à mi-mollet sur une plage sicilienne, sandales à la main) ou encore « là-dessous, le diable est en train de faire cuire ses pâtes », réflexion d'un guide au bord d'un cratère.

À la lumière de cette Italie volcanique, on comprend autrement ses mystères napolitains comme le rite du miracle de san Gennaro. « Je sentais que je m'approchais au cœur du mystère. Le sang qui se liquéfie est le symbole d'une transsubstantiation magmatique. On demande à la lave de faire le contraire du sang, de se figer. » De ce passé turbulent, Rumiz évoque aussi l'éruption du Vésuve en 1631 faisant craindre un nouveau Pompéi, le tremblement de terre dans le détroit de Messine en 1908 ou encore le séisme qui détruisit en 1968 le village sicilien de Gibellina, reconstruit ensuite à quelques kilomètres. Sur ces terres poreuses, avec ses tunnels et ses grottes, il ressent quelque chose d'oublié, la présence de la mort imminente, cette mort aussi source de fertilité, d'où l'attachement des Siciliens et des Napolitains à leurs montagnes tragiques. Ce monde où l'au-dehors et l'au-dedans communiquent nous apprend que ce que l'on a à redouter ne vient pas forcément des entrailles de la Terre. D'une certaine façon, cette « voix sortie des profondeurs » donne raison à Sartre. L'enfer, ce n'est pas en dessous, mais au-dessus !

Paolo Rumiz
Une voix sortie des profondeurs
Arthaud
Traduit de l’italien par Béatrice Vierne
Tirage: 5 500 ex.
Prix: 22 € ; 480 p.
ISBN: 9782080462503

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