Parent pauvre

"Entre subventionner l’équipe de rugby locale ou un événement littéraire, le choix est souvent vite fait." Serge Roué, Le Marathon des mots (match de rugby entre le Stade toulousain et le Lyon LOU). - Photo PierreSelim/CC BY-SA 3.0

Parent pauvre

Face aux autres domaines des arts et au sport, le livre peine à attirer les entreprises.

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Par Faustine Vincent,
avec Créé le 05.02.2016 à 01h00

Dans la course aux financements privés, les responsables du livre doivent rivaliser d’imagination pour séduire des partenaires. "C’est très difficile de faire venir du mécénat sur la vie littéraire, parce qu’en matière de communication c’est nettement moins flamboyant que d’autres domaines culturels comme la peinture, la danse ou la musique, où les sommes engagées sont mille fois supérieures", constate Evelyn Prawidlo, codirectrice des Correspondances de Manosque.

Au total, le livre ne représente que 1 % des 365 millions d’euros de budget du mécénat culturel, soit en moyenne 10 000 euros par mécène, selon l’association Admical - ce chiffre se rapportant au mécénat à proprement parler, c’est-à-dire encadré par la loi et bénéficiant d’avantages fiscaux.

Pas assez glamour, le livre ? Pas seulement. Il touche aussi moins de monde, et pâtit d’une visibilité moins importante. Soutenir le Ballet national de Marseille, qui effectue des tournées internationales, offre des retombées médiatiques sur le long terme, alors qu’un partenaire de festival littéraire n’est, au mieux, visible que pendant les quelques jours où celui-ci se tient. Problème supplémentaire, selon Claire Castan, chargée de la vie littéraire à l’Agence régionale du livre en Paca, "le report vers le financement privé n’est pas encore très travaillé par les acteurs du livre, car avec la baisse des subventions publiques, il y a de moins en moins de création d’événements littéraires".

En concurrence avec le sport

Battu sur le plan national face aux autres domaines culturels, le livre n’est pas plus avantagé à l’échelle régionale. "On se retrouve en concurrence avec le sport, explique Serge Roué, directeur du Marathon des mots. Entre subventionner l’équipe de rugby locale ou un événement littéraire, le choix est souvent vite fait. La littérature ne fait pas le poids, car le sport paraît moins élitiste, et véhicule des valeurs plus faciles à mettre en avant par les entreprises : la dimension collective, l’éthique, l’engagement…"

Plusieurs entreprises qui finançaient des événements littéraires ont fini par les délaisser, à l’image de BNP Paribas, qui s’est recentré sur le jazz, la danse et le cirque, ou encore le collectif d’entreprises Mécènes du Sud, désormais axé sur l’art contemporain. Bénédicte Chevallier, déléguée générale de cette association, s’en désole : "Au fond, c’est la réflexion qui traverse plusieurs institutions : séparer la littérature du reste".

L’espoir reste permis malgré tout. D’abord parce que rien n’est figé, et qu’une évolution à la tête d’une entreprise peut suffire à changer la donne. Ensuite parce que la littérature a un avantage majeur par rapport aux autres champs culturels : soutenir des projets dans ce domaine ne demande pas des sommes extravagantes. "On soutient entre 70 et 80 actions liées à la lecture chaque année. On préfère cela, car si on finançait le cinéma, par exemple, ça grèverait notre budget", assure Marie-Lorraine Kerr, déléguée générale de la Fondation du Crédit mutuel pour la lecture. Le livre a encore l’art de faire de sa faiblesse un atout.

05.02 2016

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