Interview

Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française : "Nous devons être un outil au service de la chaîne du livre"

Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française. - Photo ©Benjamin Gavaudo - CMN

Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française : "Nous devons être un outil au service de la chaîne du livre"

Inaugurée le 30 octobre 2023 par Emmanuel Macron, la Cité internationale de la langue française accueillera le public à partir du 1er novembre. Pour son directeur, Paul Rondin, il s'agit non seulement d'en faire un lieu de vie ouvert à tous les publics, mais aussi "un outil" au service des professionnels du livre. Résidences d'auteurs (et d'éditeurs), lectures, événements… La Cité se tient prête à accueillir leurs projets.

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Par Souen Léger
Créé le 27.10.2023 à 12h40

Livres Hebdo : Après quatre ans de travaux, la Cité internationale de la langue française, installée dans le château restauré de Villers-Cotterêts (Hauts-de-France), ouvre enfin ses portes. Quels sont les espaces auxquels le public aura accès à partir du 1er novembre ? 

Paul Rondin : Tout le Logis royal, et donc toute l'activité de la Cité, sera accessible : le parcours permanent d'exposition, la salle de spectacles, le café, la librairie, les espaces partagés pour toutes les associations où se tiendront notamment des ateliers de sensibilisation à la lecture et à la prise de parole. Dans un second temps, d'autres bâtiments autour de la cour des Offices seront aménagés pour accueillir des hôtels, des restaurants, des activités de loisirs… Le parc, qui est déjà accessible, fera l'objet d'une troisième phase de réaménagement. Mais le cœur de cette aventure, le projet culturel, est entièrement prêt. 

Pourquoi était-ce important de créer un lieu dédié à la langue française, d'offrir en quelque sorte une maison au français ? 

Je préfère parler d'un port parce qu'on y vient, on y stationne, et on en repart enrichi. Ce n'est pas un endroit où l'on protège la langue française, c'est un endroit où l'on montre à quel point elle est vivante, diverse, pleine de migrations de mots qui partent du français pour aller vers d'autres langues, et vice versa. Plutôt que d'avoir peur de sa disparition, nous avons besoin au contraire de montrer sa dynamique, sa force, son importance culturelle. C'est un projet ludique, incarné, jouissif ! Le parcours permanent, par exemple, est comme une fête foraine de la langue française : on peut jouer, on peut être impressionnés, on peut être sérieux tout en s'amusant.

Pourquoi la Cité trouve-t-elle précisément sa place ici, dans le château où fut signée l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 qui imposa la français dans les actes administratifs et juridiques ? 

Cette décision de François 1er consiste à dire qu'il faut une langue à tous les habitants du royaume pour être administrés. Cela part du principe intéressant, et très précurseur, qu'une langue est aussi un outil d'unité de la nation, de partage, et d'égalité. Par ailleurs, il y a sur ce territoire un patrimoine littéraire extraordinaire. On pense toujours à Alexandre Dumas mais on oublie Racine, Paul Claudel, La Fontaine, Jules Verne un plus au nord… C'est extraordinaire ce que ce territoire a donné comme grands auteurs, souvent très marqués par leur rapport à la nature et à la forêt. Il y a une évidence historique à ce que nous aboutissions à ce projet ici. 

Lire : La Cité internationale de la langue française ouvre au public

Avec cette restauration, le site est en quelque sorte rendu aux habitants du territoire qui pourront le traverser pour se rendre vers la ville côté sud ou vers la forêt de Retz côté nord…

Oui, c'est un endroit de vie et de circulation où chacun peut trouver quelque chose à faire, y compris ne rien faire et finalement rencontrer la langue, la littérature, le livre par accident. 

C'est une forme d'ouverture au public que vous aviez déjà expérimentée en tant que secrétaire général de l'Odéon, poste que vous avez occupé de 2007 à 2012… 

En effet, l'une des premières choses que j'ai faite à l'Odéon, c'est d'ouvrir une terrasse devant le théâtre, non pas pour des raisons commerciales mais pour inviter les gens à s'asseoir au pied du théâtre, et à y entrer progressivement. De la même manière, j'ai fait entrer des disciplines autres que le théâtre stricto sensu, avec des auteurs comme Jonathan Franzen, Mahmoud Darwich, Russell Banks, mais aussi des rappeurs, des musiciens qui jouaient avec la langue, ce qui permettait de faire entrer tous les publics. 

Comment la Cité internationale de la langue française compte-t-elle impliquer les acteurs de la chaîne du livre, notamment les éditeurs ?

Les éditeurs sont comme des producteurs de spectacles. Au moment de la valorisation d'une œuvre ou d'un auteur, j'ai besoin qu'ils pensent que la Cité, c'est chez eux. Exactement comme à l'Odéon où les maisons m'appelaient pour organiser des événements divers et variés. En amont de tout cela, nous proposons de l'espace-temps pour des auteurs et autrices qui souhaiteraient s'installer en résidence dans le château pour écrire. Pourquoi ne pas aussi accueillir de jeunes éditeurs ou éditrices qui souhaiteraient imaginer un projet en résidence pendant quelques mois ? Nous devons être un outil au service de la chaîne du livre, à quelque endroit que ce soit. 

En résumé, quel message souhaitez-vous adresser aux professionnels du livre ? 

La Cité a été aussi pensée pour vous, venez avec des projets, des envies et nous les inventerons ensemble.

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