Sang d'encre. S'il est difficile de définir quiconque avant qu'il soit arrivé au terme de sa vie, un écrivain donne des pistes avant inventaire, en dessinant au fil de sa carrière, livre après livre, par son style, les traits distinctifs de sa personnalité. Le lauréat du Nobel de littérature 2019 Peter Handke a forgé à travers une cinquantaine d'ouvrages une œuvre singulière, à la fois fictionnelle et théâtrale, vibrant au diapason d'une âpre solitude. Bienvenue au conseil de surveillance est un recueil de textes de jeunesse paru chez Christian Bourgois en 1986 et longtemps indisponible. Le volume reparaît aujourd'hui dans une nouvelle traduction. Né en 1942 en Carinthie (Autriche) d'une mère slovène et d'un père allemand, Handke est d'une génération d'écrivains de langue allemande de l'après-guerre et issus d'un pays portant le stigmate de son adhésion à la barbarie nazie. Ici, le sang est d'encre et la plume trempe dans la bile noire. À l'ombre de l'atrabilaire Thomas Bernhard, Handke décline dans ces courts récits diverses formes de brutalité : sociale, morale, réelle, fantasmée. Une femme pleure un enfant renversé par une voiture et son mari parti, un colporteur vêtu de sombre tord le bras d'un garçonnet, un bûcheron fracasse le crâne de l'une, brise le cou de l'autre... Entre scène du théâtre de l'absurde et tableau digne d'une gravure expressionniste, chaque histoire respire l'effroi devant une violence indéchiffrable, tragiquement arbitraire.