Toujours affectée d'une image positive, l'indépendance du libraire a changé de nature d'un siècle à l'autre. Jusqu'aux années 1990, elle caractérisait un entrepreneur jaloux de ses choix et de ses prérogatives : son assortiment, sa politique commerciale (jusqu'à sa politique de prix avant l'adoption de la loi Lang sur le prix unique du livre en 1981), ses modes d'approvisionnement, ses transporteurs... Le libraire indépendant tenait du loup solitaire. Il traçait son chemin seul contre tous, et singulièrement contre la grande distribution. Dans sa version pré-soixante-huitarde, heureusement battue en brèche ensuite, il était même volontiers bourru, jaugeant le client avant d'envisager de l'accueillir.

Avec les révolutions de l'informatique et d'Internet, du commerce en ligne à la mise en réseau, l'indépendance du libraire s'affirme dans l'interdépendance, qui lui facilite l'équilibre économique sans lequel rien n'est possible. Celle-ci prend de multiples formes. La construction d'une force de frappe marketing et commerciale commune, telles celles de l'American Booksellers Association aux Etats-Unis, des librairies indépendantes du Québec sous le label Les Libraires, ou encore, en France, du Groupement des libraires de bande dessinée sous la marque Canal BD, en est une. Les libraires américains via le mouvement « Buy local » (achetez localement), d'autres en France et ailleurs ont également tissé structurellement ou ponctuellement des liens avec des commerces d'autres secteurs.

La création autour des librairies d'associations d'amis leur permet aussi de renforcer leur indépendance en s'intégrant dans une communauté de clients. Les expériences déployées dans l'Hexagone montrent que les amis d'une librairie ne lui manifestent pas seulement leur fidélité. Ils contribuent à son essor par une participation à sa réflexion stratégique comme par leur appui logistique. Le libraire du XXIe siècle ne sera plus jamais seul.

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