Grands prix d'automne 2023

NB : Cet article a initialement été publié le 29 octobre, avant que Neige Sinno soit récompensée du prix Femina 2023.

 

Le 7 novembre, peu après 13 h, une nouvelle tête s’affichera à la fenêtre du salon Goncourt, au 1ᵉʳ étage du restaurant Drouant, à Paris.

Sera-ce celle de Neige Sinno, révélation de cette rentrée littéraire déjà couronnée du prix du Monde et des Inrockuptibles pour Triste Tigre (P.O.L) ? Peut-on attendre plutôt celle de Jean-Baptiste Andrea, qui a remporté le prix Fnac en septembre avec Veiller sur elle (L'Iconoclaste) ? Ou bien Éric Reinhardt, qui l’attend depuis si longtemps que Sarah, Susanne et l'écrivain (Gallimard) semble avoir été écrit pour les académiciens Goncourt ? Et si c’était Gaspard Kœnig avec Humus (L'Observatoire), toujours en lice comme les trois autres dans un autre grand prix, à savoir le Renaudot, qui sera révélé une minute après au même endroit ?

Comme chaque année, Livres Hebdo a demandé aux plus proches observateurs de la vie littéraire de donner leurs pronostics. Cette année, les jeux sont ouverts avec trois noms qui sortent des chapeaux de nos spécialistes.

 

Bernard Lehut – RTL

Qui aura le Goncourt ?

Jean-Baptiste Andrea. Avec Veiller sur elleon tient là le retour salvateur du grand romanesque et d’une littérature populaire de qualité. Andrea nous console de ces écrivains, trop nombreux, qui ne s’intéressent qu’à leur nombril et se regardent écrire. 

Qui le mérite ?

Jean-Baptiste Andrea, et plutôt deux fois qu’une ! Ce serait là un Goncourt dans la lignée de celui décerné à Pierre Lemaitre pour Au revoir là-haut.
 

Hugues Honoré – AFP

Qui aura le Goncourt ?

Compliqué de répondre avant de connaître le verdict du Femina, la veille du Goncourt, car il n’est pas imaginable de couronner le même livre deux jours de suite. Sans parler du prix Décembre le 31 octobre. Donc réponse conditionnelle : si Neige Sinno ne remportait pas le Femina, je la verrais bien se consoler avec le Goncourt. Si elle remportait le Femina, ce qui me paraît assez probable, le Goncourt serait plutôt promis à Éric Reinhardt.

Qui le mérite ?

Neige Sinno. Pour des tas de raisons qui font aimer ce livre à tous ses lecteurs. Pour que, grâce au Goncourt, le plus grand nombre ait la curiosité de se lancer dans ce récit vif, riche, brillant, qui très paradoxalement donne le sourire et la foi.

 

« Deux livres remarquables, et radicalement dissemblables, dominent la sélection finale »

 

Baptiste Liger – Lire Magazine littéraire

Qui aura le Goncourt ? 

Éric Reinhardt avec Sarah, Susanne et l'écrivain, car le jury l'a raté pour des romans comme Cendrillon ou Le Système Victoria – à mon avis plus réussis. Surtout, l'échec au Goncourt du Mage du Kremlin, sous la casaque de la « Blanche » (chez Gallimard, ndlr), a provoqué une polémique l'an passé, que certains jurés voudront peut-être apaiser...

Qui le mérite ? 

Jean-Baptiste Andrea avec Veiller sur elle, parce que c'est un grand roman populaire, dans le meilleur sens du terme, et la montée en puissance d'un auteur talentueux. Aussi, un énorme succès en librairies, pour un titre qu'on pourra offrir à un lectorat varié (ce que beaucoup attendent d'un tel trophée), ferait du bien au Goncourt, après un résultat en demi-teinte, à ce niveau, pour le cru 2022.

 

Nathalie Crom – Télérama

Qui aura le Goncourt ?

Si le jury prend (enfin !) en compte la non-fiction comme un champ littéraire désormais essentiel, il choisira Triste Tigre, le récit-essai magistral et nécessaire de Neige Sinno.

Qui le mérite ?

Deux livres remarquables, et radicalement dissemblables, dominent la sélection finale : Triste Tigre, et Sarah, Susanne et l'écrivain, le beau roman d'Éric Reinhardt, objet de pure littérature. Les deux le méritent, même si Triste Tigre est, et restera, l'ouvrage marquant et important de cette rentrée.

 

« Et les Dix de chez Drouant de tenir alors leur rang »

 

Bruno Corty – Le Figaro

Qui aura le Goncourt ?

Reinhardt, auteur de la puissante écurie Gallimard. L'Iconoclaste et l'Observatoire : combien de divisions ? Neige Sinno peut être recalée à cause du débat sur l'opportunité de couronner de la non-fiction...

Qui le mérite ?

Neige Sinno. Son récit admirable est un tour de force. Il ne cherche pas à être aimable. Ni à faire pleurer dans les chaumières. L'autrice ne prétend pas que l'écriture est une rédemption. Mais la littérature (Nabokov, Woolf…) est au cœur de son propos. C'est un livre qui restera. Les dames du Femina peuvent la couronner un jour avant les Goncourt. Ce serait un magnifique Femina !

 

Marianne Payot – L’Express

Qui aura le Goncourt ?

Probablement Jean-Baptiste Andrea pour son très beau roman Veiller sur elle (L’Iconoclaste), qui réunit toutes les qualités requises pour remporter le Graal : une vraie fiction, de près de 600 pages, une construction impeccable, un style emballant, et des personnages attachants, avec, d’un côté, un modeste nain, orphelin de père, devenu sculpteur de génie, et, de l’autre, la fille effrontée d’une grande famille, le tout sur fond d’Italie mussolinienne. Un cocktail qui devrait contenter aussi bien le grand public que les lecteurs plus avertis. Porté par le prix Fnac et l’engouement des libraires, Veiller sur elle connaît par ailleurs déjà un joli succès, ce qui, on le sait, facilite le coefficient multiplicateur d’un prix. Et les Dix de chez Drouant de tenir alors leur rang.

Qui le mérite ?

Cette année, les quatre romans finalistes sont de très belle qualité, et leurs auteurs, tous dignes du Goncourt… Mais il faut bien choisir. Et puis Neige Sinno devait vraisemblablement récolter le Femina, décerné la veille du Goncourt ; Gaspard Kœnig a toutes ses chances au Renaudot… alors, oui, le 4e roman du Cannois de 52 ans (auteur du délicieux Ma reine) mérite amplement le Goncourt.

 

Quelles autres sélections pour les finalistes du Goncourt ?

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