Reconfinement

Réouvrir les librairies serait indécent selon certains professionnels

Olivier Dion

Réouvrir les librairies serait indécent selon certains professionnels

"Je refuse d'aller dire aux libraires de risquer leurs vies", explique l'auteure Isabelle Bauthian. A contre-courant d'une partie du monde du livre, des voix se lèvent contre une réouverture des librairies.

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Par Dahlia Girgis,
Créé le 04.11.2020 à 23h52

Depuis les annonces gouvernementales du 28 octobre, pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, les librairies doivent rester fermées. La décision est contestée par une grande partie des professionnels du secteur, à la différence du premier confinement au printemps, où ils s'étaient résolu à suivre l'injonction gouvernementale. A l'époque, les librairies n'étaient pas forcément prêtes pour assurer de la vente à distance ou du commande-retrait. Pour ce deuxième confinement, le Syndicat de la librairie française (SLF) a lancé une pétition réclamant une réouverture qui recueille pour l'instant plus de 190 000 signatures.

Mais cette position n'est pas unanimement partagée dans le monde du livre. "J'ai un problème quand je vois des gens dire qu'ils ne peuvent pas vivre sans livre: des médecins sont sur le pont depuis des mois et des personnes meurent dans cette crise sanitaire, déplore l'auteure Isabelle Bauthian. C'est de l'indécence de la part de personnes qui ont une situation privilégiée, personnellement je refuse d'aller dire aux libraires de risquer leurs vies".

L'auteure est directement impactée par le confinement avec ses deux nouveautés, L'esprit critique (Delcourt) et Dragon et poisons (Drakoo), dont les dates de parution ont dû être décalées. "Je suis d'accord que le confinement est injuste, je vais moi-même perdre des sous, mais il ne faut pas chercher à comment être l'exception, tout le monde peut l'être", conclut la scénariste BD.

Le livre : "bien essentiel" ou "vital" ?

"Il y a essentiel et vital, pour moi à court terme les livres ne sont pas vitaux", déclare-t-elle. La décision de plusieurs maires de prendre des arrêtés ou de réclamer la réouverture des librairies est une "décision déconnectée" estime l'auteure de BD. "Je comprends qu'on se pose des questions quand on voit les concessionnaires autorisés à rester ouverts, mais c'est infantile en réaction de réclamer d'ouvrir les librairies", pense Isabelle Bauthian.  "On ne peut pas mentir en disant que les livres ne sont pas accessibles", complète-t-elle, encourageant les lecteurs a utiliser le "Click & Collect"

Sa position est partagée par la CGT des salariés des librairies qui dans un communiqué publié le 2 novembre s'inquiète de la sécurité des employés. "La santé des salarié.e.s et de nos concitoyen.ne.s ne se négocie pas. Nous alertons sur les conditions de travail des salarié.e.s de notre branche mises à rude épreuve durant les confinements successifs dans un trop grand nombre d’enseignes", développe la CGT Librairies.

"La réouverture serait prématurée. En magasin c'est compliqué de faire respecter les règles sanitaires", estime une libraire francilienne, qui souhaite rester anonyme. Salariée depuis peu dans un nouvel établissement, elle témoigne d'une situation compliquée pour les employés : "depuis le déconfinement, on a presque un rôle de police à faire, il faut rappeler à un client de mettre du gel à l'entrée, dire à un autre de bien repositionner son masque".

"Ce qui me désole depuis la semaine dernière, c'est qu'on dit que les librairies sont fermées au lieu de parler du Click & Collect", déplore la libraire. Cette dernière réclame une solidarité de la chaîne du livre en continuant notamment les officines.

La controverse de Twitter

La question de réouverture ou non des librairies a agité les internautes sur le réseau social Twitter. Les pros et contre ont vivement défendu leurs positions. Parmi eux, "La libraire fâchée", un compte anonyme crée il y a seulement quelques jours opposé à une réouverture. Dans un thread, cette personne écrit notamment : "Si vous voulez arrêter notre confinement, payez-nous ! Car voilà le nerf de la guerre. Sinon, laissez-nous tranquille, nous avons besoin de repos. Ce boulot est trop méconnu. Il s'agit d'un travail de manutentionnaire. Et de caissière."



Autre utilisateur de Twitter impliqué, l'auteur Joann Sfar à qui il a été reproché "d'usurper la parole des gens" après avoir défendu le livre comme bien essentiel. "Le débat s'est apaisé depuis, tout le monde peut donner son avis et Joann Sfar a fait quelque chose de bien en demandant les avis des différentes personnes concernées", apprécie Isabelle Bauthian qui a échangé avec le dessinateur sur Twitter. Joann Sfar a partagé cinq posts dans lesquels il demande la position des libraires, médecins ou encore des auteurs. "Le débat s'apaise et tout le monde a le droit de donner son avis, mais il est difficile de prendre du recul avec des décisions gouvernementales injustes et inaudibles" explique-t-elle.
 

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