Romans étrangers : un monde noir

Lee Clay Johnson (Nitro mountain) et son traducteur Nicolas Richard. Rentrée littéraire Fayard et Pauvert au Purgatoire, rue de Paradis à Paris. - Photo Olivier Dion

Romans étrangers : un monde noir

La rentrée étrangère 2017, qui fait la part belle aux nouvelles voix, primo-romanciers ou auteurs traduits pour la première fois en français, est marquée par les drames qui secouent la planète.

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Par Claude Combet,
avec Créé le 30.06.2017 à 15h09

Ce cru 2017 en littérature étrangère est marqué par la noirceur du regard que les romanciers portent sur le monde à venir. La Britannique Nina Allan arrive avec un roman dystopique, La course (Tristram), situé dans une ville ravagée par le gaz de schiste qui organise des courses de lévriers transgéniques. L’ancien reporter de guerre Omar El Akkad imagine une guerre civile aux Etats-Unis (American war, Flammarion), et Claire Vaye Watkins une grande vague de sable submergeant Los Angeles en butte aux pillards (Les sables de l’Amargosa, Albin Michel). L’héroïne de Carola Dibbell (The only ones, Le Nouvel Attila) donne naissance à un clone dans un New York ravagé par les maladies mortelles. La Norvégienne Maja Lunde fait un grand roman écologiste sur fond de disparition des abeilles (Une histoire des abeilles, Presses de la Cité).

Cécile Boyer-Runge (P-DG), Ken Follett et Maggie Doyle (directrice littérature étrangère) lors de la rentrée littéraire Robert Laffont-Julliard à la SGDL.- Photo OLIVIER DION

Racines

Dans la lignée de Chimamanda Ngozi Adichie, un courant de jeunes romancières noires américaines revendiquant leurs racines et s’attachant à l’histoire contemporaine émerge avec Brit Bennett (Le cœur battant de nos mères, Autrement), dont l’héroïne subit à la fois avortement et racisme, Roxanne Gay évoque la violence haïtienne (Treize jours, Denoël), et Angela Flournoy qui brosse le portrait de Detroit après la crise des subprimes (La maison des Turner, Les Escales). De nouvelles voix font entendre les crises et les drames de toute la galaxie anglophone. "Feux croisés" (Plon) programme la primo-romancière indienne Meena Kandasami qui revient sur un massacre il y a quarante ans en Inde (La colère de Kurathi Amman). Jowhor Ile raconte la guerre au Nigeria en 1995 à travers l’histoire d’une famille (Avenue Yabuku, des années plus tard, Bourgois). Kei Miller fait entendre la voix de la Jamaïque (By the rivers of Babylon, Zulma). Tandis que Juan Tomás Avila Laurel raconte la Guinée équatoriale et les migrants d’Afrique noire qui tentent d’entrer en Europe (Sur le mont Gourougou, Asphalte). Steven Uhly, de mère allemande et de père bengali, retrace l’histoire de l’Allemagne et d’Israël après guerre (Le royaume du crépuscule, Presses de la Cité).

La rentrée littéraire est aussi l’occasion de découvrir des livres primés. Le sympathisant (Belfond), première fiction de Viet Thanh Nguyen et portrait d’un agent double sur fond d’histoire américaine, arrive en France auréolé du prix Pulitzer 2016, du prix Edgar du premier roman 2016, et il a été finaliste du prix Pen/Faulkner. D’autres ont reçu les plus prestigieuses récompenses dans leur pays comme Un moustique dans la ville du Géorgien Erlom Akhvlediani (Le Serpent à plumes), prix Saba 2011 ; Soufre du Portugais José Luís Peixoto (Seuil), Oceanos 2016 ; La féroce de l’Italien Nicola Lagioia (Flammarion), le Strega ; L’héritier du Néerlandais Joost de Vries (Plon), le Golden Book Owl ; ou Aux femmes de l’Egyptien Hamdy el-Gazzar (Belleville), Meilleur roman égyptien 2014.

Cette rentrée mise sur les découvertes avec des auteurs traduits pour la première fois en France comme l’Américaine Affinity K (Mischling, Actes Sud), l’Australienne Stephanie Bishop (De l’autre côté du monde, Fleuve éditions), la Brésilienne Guiomar de Grammont, qui narre une guérilla estudiantine au milieu de la forêt amazonienne dans les années 1970 (Les ombres de l’Araguaia, Métailié), la Colombienne Piedad Bonnett, avec un récit sur la folie et le suicide d’un fils (Ce qui n’a pas de nom, Métailié), l’Espagnol Fernando Clemot (Polaris, Actes Sud), le Norvégien Eivind Hofstad Evjemo qui raconte la fusillade sur l’île d’Utoya en 2011 (Vous n’êtes pas venus au monde pour rester seuls, Grasset).

Premiers romans

L’automne du domaine étranger apporte également son lot de premiers romans. La Néerlandaise Inge Schilperoord ose le portrait d’un pédophile (La tanche, Belfond), tandis que deux Allemands opposent rocambolesque avec Emanuel Bergmann (Mosche Goldenhirsch et la grande illusion, Belfond) et sombre passé nazi avec Barbara Dribbusch (Le Bois des ombres, Les Escales). Coqueluche à la derniere Foire de Francfort, Paolo Cognetti arrive avec Les huit montagnes (Stock), une adolescence sur fond de montagne, qui vient de recevoir le prix Strega Giovani, aux côtés de sa compatriote Ginevra Lamberti (Avant tout, se poser les bonnes questions, Le Serpent à plumes).

Parmi les Anglo-Saxons, Ida Novey met en scène une romancière qui s’enfuit (Le jour où Beatriz Yagoda s’assit dans l’arbre, Les Escales), Jaroslav Kalfar, Un astronaute en Bohême (Calmann-Lévy), Lee Clay Johnson des marginaux au fin fond des Appalaches (Nitro mountain, Fayard) et Emily Fridlund une adolescence au bord d’un lac perdu du Minnesota (Une histoire de loups, Gallmeister). Baird Harper a choisi Chicago (Demain sans toi, Grasset) et le réalisateur John Boorman s’attaque au cinéma (Tapis écarlate, Marest). On lira aussi le Russe Gouzel Iakhina (Zouleikha ouvre les yeux, Noir sur blanc), le Britannique Barney Norris (Ce qu’on entend quand on écoute chanter les rivières, Seuil), les Irlandais Karl Geary (Vera, Rivages) et Lisa McInerney (Hérésies glorieuses, Losfeld) ou la Japonaise Kazuki Sakuraba, auteure de mangas (La légende des Akakuchiba, Piranha).

Les amateurs de littérature étrangère retrouveront des romanciers incontournables et des auteurs reconnnus comme Aravind Adiga (Buchet-Chastel), Margaret Atwood (Laffont), Douglas Coupland (Au Diable vauvert), Jonathan Safran Foer (L’Olivier), Wendy Guerra (Buchet-Chastel), Edgar Hilsenrath (Le Tripode), le phénomène littéraire coréen Han Kang (Le Serpent à plumes), Jim Harrison (Flammarion), Hanif Kureishi (Bourgois), Joyce Carol Oates (Philippe Rey), Ron Rash (Seuil), Israël Joshua Singer (L’Antilope), Elizabeth Strout (Fayard), ainsi que William Boyle (Gallmeister) avec son second roman, Boris Akounine qui sort du polar (Louison), Karl Ove Knausgaard et son autobiographie (Denoël). Quelques curiosités compléteront cette riche programmation comme L’archipel des Solovki de Zakhar Prilepine (Actes Sud), Look homeward, angel, nouvelle édition du premier roman de Thomas Wolfe, considéré comme le fondateur de la littérature américaine, préfacé par le célèbre éditeur Maxwell Perkins de Scribner (Bartillat), ou les nouvelles de Laura Kasischke (Page à page). Et pour ceux qui aiment flirter avec la non-fiction, Une partie rouge de Maggie Nelson raconte le procès de l’assassin de sa tante (Sous-sol). C. C.

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