Essai/France 9 janvier Francis Martin

Après les arbres, il fallait bien que quelqu'un s'intéressât aux champignons. D'autant que les premiers n'auraient pas subsisté sans les seconds. Et nous non plus. Mais comment expliquer tout cela de manière simple, sans tomber dans la fable naturaliste ? C'est le pari de cet essai passionnant qui inaugure la nouvelle marque d'Humensis consacrée aux sciences.

Dans son grand succès, La vie secrète des arbres (Les Arènes, 2017), Peter Wohlleben racontait ce que les arbres « ressentaient ». Ce discours anthropomorphique avait attiré quelques reproches à l'ingénieur forestier allemand. Francis Martin, l'un des spécialistes mondiaux des arbres - il dirige à Nancy un important laboratoire de l'Institut national de recherche agronomique (Inra) - possède la même passion à transmettre son savoir.

Il explique ainsi comment les arbres entrent en communication avec des centaines d'espèces de champignons, des mycètes pour employer le terme savant. On parle alors de « symbiose mycorhizienne ». Il nous en apprend de belles sur ce qui se passe en forêt, notamment que les champignons que nous cueillons sont d'abord des appareils reproducteurs. « Vous n'aviez certainement pas réalisé que lors de vos promenades automnales en forêt, vous marchiez entre les sexes turgescents des champignons. » Quand on le lit, on s'aperçoit que dans la forêt tout est une question de spores. « Le chapeau des champignons est donc un appareil sexuel dont l'unique fonction est, comme son nom savant l'indique, de porter les spores, de les protéger de la pluie et de faciliter leur dissémination. »

Chemin faisant, Francis Martin dévoile les dernières avancées en phylogénétique moléculaire. Car pour étudier les champignons, il faut utiliser les technologies les plus avancées, notamment dans le domaine de l'ADN.

Avec beaucoup de clarté, Francis Martin révèle comment, pour s'adapter aux lois de l'évolution, les arbres ont passé un pacte de coopération avec ces mycètes où l'on distingue les symbiotes, les décomposeurs et les parasites. « L'écologie de la décomposition (dont le champignon est le maître d'œuvre) a sculpté nos paysages terrestres et probablement marins. » On découvre aussi que le plus grand organisme vivant sur notre planète serait une Armillaire couleur de miel d'un millier de tonnes qui prolifère sur les arbres morts sans que nous n'en sachions rien, tel un réseau invisible répandu sur une surface gigantesque. Vous serez également surpris par l'aventure de la truffe noire du Périgord et ses migrations post-glaciaires ou la culture de l'Agaric bisporé plus connu sous le nom de champignon de Paris.

« La forêt française progresse d'environ 100 000 hectares par an, annonce Francis Martin. » Raison de plus pour s'y intéresser davantage et savoir comment elle se régénère grâce au pacte secret passé avec les champignons. Ce n'est pas l'arbre qui cache la forêt, mais le champignon qui protège l'arbre.

Francis Martin
Sous la forêt : pour survivre il faut des alliés
Humensciences
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 21 euros ; 232 p.
ISBN: 9782379310034

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