ABF 2022

Sylvie Robert : « Rendre l'accès payant à une bibliothèque, ce n'est plus possible ! »

Sylvie Robert : « Rendre l'accès payant à une bibliothèque, ce n'est plus possible ! »

La première table ronde du congrès de l'ABF « L'accès de tout.e.s aux bibliothèques publiques est un combat » a invité la sénatrice socialiste Sylvie Robert à l'origine de la proposition de loi Bibliothèques promulguée le 22 décembre 2021. Il a été notamment question de la médiathèque de La Trinité dont l'entrée avait été rendue payante fin 2017.

 

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Par Adriano Tiniscopa,
Créé le 02.06.2022 à 17h59

La première table ronde du 67e Congrès de l'ABF, qui s'est ouvert à Metz jeudi 2 juin, a démarré à 13h30 dans une salle comble avec près de 300 personnes. La trame du rendez-vous « L'accès de tout.e.s aux bibliothèques publiques est un combat » a été étayée par Dominique Lahary, membre de comité d'éthique de l'ABF, Sylvie Robert, sénatrice d'Ille-et-Vilaine qui a porté la Loi Bibliothèques, et Mireille Ravier, ex-bibliothécaire, directrice culture et de la vie associative à la ville de La Trinité.

Pour rappel, la proposition de loi "relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique" fixait un cadre législatif précis aux bibliothèques municipales et départementales. Elle en définit les missions (égal accès de tous à la culture, à l'information, à l'éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs et développement de la lecture) tout en consacrant la liberté d’y accéder et leur gratuité. Elle a été promulguée le 22 décembre 2022. 

L'affaire de la médiathèque de La Trinité

« Les événements qui se sont déroulés il y a quelques années dans la ville de La Trinité n'auraient pas eu lieu si la loi Robert était déjà passée et mise en pratique », a amorcé Anne-Marie Vaillant, modératrice. Mi-décembre 2017, le conseil municipal de la ville de La Trinité (Alpes-Maritimes) décidait de faire payer l'entrée physique de sa médiathèque pour les usagers extérieurs à la commune. La délibération occasionnait alors une chute brutale de la fréquentation du fait notamment que seuls les Trinitaires avaient droit d'accès à l'établissement. De plus, cette décision excluait certains riverains notamment des quartiers populaires du bassin de vie de La Trinité.

Mireille Ravier, ancienne responsable de cette médiathèque, a commencé par contextualiser le sujet : « Je me suis trouvée en fait au centre d'un combat qui a été douloureux pour mes convictions de professionnelle de la lecture publique mais ça a été encore plus tragique pour les usagers, l'établissement et l'image de la lecture publique au niveau local, national et même international ». La bibliothécaire, en visioconférence, a ensuite insisté sur la fragilité de l'existence des bibliothèques et des médiathèques, précisant que leurs missions sociales subissaient des attaques. Une mobilisation citoyenne (notamment une pétition) et associative avec l'ABF ont finalement fait avancer l'affaire : l'entrée et l'accès à l'ensemble des ressources de la bibliothèque sont de nouveau gratuits.

Mireille Ravier a conclu : « Je me réjouis de la loi du 21 décembre parce qu'elle réaffirme le rôle et les missions de la lecture, elle apporte un premier cadre législatif et incite au respect de la liberté et de la gratuité d'accès pour toutes et tous. La grande réflexion aujourd'hui c'est celle de la prise en considération de nos usagers. Je suis une vieille bibliothécaire mais j'ai le sentiment que le combat qui a pu être mené par la génération très militante de nos collègues dans les années 1970-1980 et 1985 est aujourd'hui à renforcer. Parce que la conscience de la force d'un établissement de lecture publique sur un territoire et la conscience de la nécessité pour nombre d'individus au regard de la fracture numérique, des difficultés économiques, n'est plus reconnue. Nous ne devons pas avoir une simple approche intellectuelle de la lecture. »

« Cette loi permet de soutenir les politiques publiques en direction de l'ouverture des bibliothèques et pose aussi la question des bassins de vie. Comment on travaille avec les collectivités territoriales ? Par exemple, la plupart des intercommunalités des Alpes-Maritimes sont incohérentes au niveau des bassins de vie car c'est un assemblage politique de communalités, ce n'est pas forcément cohérent avec la vie des habitants », a poursuivi la modératrice, Anne-Marie Vaillant.

Une première étape 

« J'ai retrouvé une trace de nos messages avec Mireille Ravier datant de début janvier 2018 », a raconté Dominique Lahary, « je la recevais ensuite comme membre du comité éthique de l'ABF ». Il a poursuivi et détaillé sur la position de l'ABF qui s'est emparée à l'époque du sujet de la médiathèque de La Trinité. « Cette histoire a mis en lumière la limite des périmètres intercommunaux. L'intercommunalité est une base territoriale imparfaite donc il faut accepter que ces périmètres soient ouverts, ce qui signifie qu'il ne peut y avoir de tarifs hors communes ni hors intercommunalités », a analysé le membre du comité d'éthique d'ABF, Dominique Lahary.

« La Trinité fait partie de la Métropole Nice Côte-d'Azur, mais la compétence culture et bibliothèque est restée aux intercommunalités, ce qui a rendu les choses encore plus compliquées », a précisé la modératrice du débat, Anne-Marie Vaillant.

« Après une histoire législative qui a duré un an, je voudrais vous remercier car quand on porte une proposition de loi c'est important de se sentir porté et accompagné », a enfin lancé la sénatrice PS Sylvie Robert. « Je vais légèrement reprendre ce qu'a dit Mireille Ravier, au sujet de la loi de décembre 2021 qui était "incitative". Non, la liberté et la gratuité d'accès aux bibliothèques, ce sont des principes qui sont à présent obligatoires. », a poursuivi la parlementaire.

Puis Sylvie Robert a rappelé que la loi « relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique » n'était qu'une première étape. La « loi Robert » est une « base pour pouvoir entrer en dialogue avec votre directrice ou directeur de la culture », a également expliqué Sylvie Robert. Elle a appelé les bibliothécaires à s'emparer de ce texte. « À présent, rendre l'accès payant à une bibliothèque, ce n'est plus possible ! Mais rendre payants les services qui sont dispensés, constitutionnellement c'est l'affaire des collectivités territoriales ça nous ne regarde pas... »

 

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