8 SEPTEMBRE - ROMAN France

Le 21 mars 1804, dans les fossés du château de Vincennes, Louis Antoine Henri de Bourbon-Condé, duc d'Enghien, était fusillé. Presque en catimini, au terme d'un procès bâclé devant un tribunal militaire. Il avait 32 ans. Son seul crime ? La très hypothétique possibilité qu'il soit un jour, de par sa naissance, le prétendant à une monarchie restaurée en France. Personne n'y croyait sérieusement, même pas ses ennemis. Mais cette exécution scandalisa toute l'Europe et souilla la mémoire de Napoléon Bonaparte.

A l'époque premier consul "à vie", il aurait été fou de rage à l'annonce de ce crime expédié par son ministre Savary, mais, comme tout chef qui se respecte, aurait couvert ses subordonnés, assumé. Quitte, ainsi qu'en témoignent ses souvenirs, à éprouver toute sa vie des remords pour la victime, et pour la faute politique qu'on lui avait fait commettre.

Mais qui ? C'est ici que s'arrêtent les faits, que commencent les hypothèses et qu'intervient le travail du romancier "dans l'histoire". Si on en croit Pierre Lepère, c'est Talleyrand qui a convaincu Bonaparte. Dans quel but ? Favoriser la marche vers le trône de son maître. Et, en effet, le 18 mai 1804, Bonaparte était couronné empereur sous le nom de Napoléon, premier monarque de ce qu'il espérait être une nouvelle dynastie.

Pierre Lepère, avec ce cocktail d'érudition, de sens de la mise en scène et d'humour, explore toutes les pistes. Par exemple que Bonaparte n'était pas en proie à une paranoïa sécuritaire, ainsi que certains l'ont prétendu. Plusieurs attentats avaient eu lieu contre sa vie et de nombreux complots s'ourdissaient dans l'ombre, diligentés par les royalistes émigrés à l'étranger, avec l'aide complaisante de l'Europe entière, ennemie de la France et de sa Révolution "régicide" ?

Rien de cela, bien sûr, n'excuse le sort du duc d'Enghien. Les fossés de Vincennes au petit matin, le condamné courageux qui se coupe une mèche de ses cheveux blonds afin qu'elle soit remise à sa femme Charlotte de Rohan, épousée en secret contre la volonté de son grand-père le prince de Condé... D'un crime d'Etat, Pierre Lepère dresse un tableau à la Greuze, un drame furieusement romantique. Mais, curieusement, cette ténébreuse affaire n'a guère passionné les écrivains du XIXe siècle.

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