Vincent Chabault

Sociologue Ma"tre de confŽrences Univ. Paris Descartes Responsable Licence pro Ždition, commerce du livre, bibliothque Livre, Librairie, Commerce du livre - Vincent Chabault - Vincent Chabault - Photo Olivier Dion - ©Olivier Dion - Olivier Dion

Vincent Chabault

Sociologue de la consommation et auteur d'ouvrages sur le commerce du livre, Vincent Chabault analyse les remous créés par la fermeture des librairies pendant le confinement.

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Par Marine Durand,
Créé le 21.09.2020 à 15h59

Avez-vous été surpris par la polémique suscitée par l'appel du SLF à la fermeture des librairies ?

Je me pose en observateur : je crois que chacun est dans son rôle. Un syndicat professionnel livre sa position argumentée, échange avec le ministère qui a dressé la liste des commerces « essentiels » ; des commerçants indépendants suivent ou non les directives du SLF, et décident d'assurer un service autorisé de commandes, de retrait et de livraison.

Fallait-il considérer le livre comme un « bien de première nécessité » ?

C'est un faux débat. Les résultats de l'enquête menée par le ministère de la Culture sur les pratiques culturelles indiquent que 48 % des Français n'ont pas lu de livre en 2018 contre 27 % en 1988. La lecture peut aider à traverser ce moment pénible, mais beaucoup de Français possèdent une bibliothèque et ont pu se procurer des livres numériques. La lecture n'était pas interdite !

Maintenir un service minimum en librairie, n'était-ce pas l'occasion de s'éloigner de l'accoutumance aux plateformes que vous constatez dans Éloge du magasin (1) ?

Oui, éventuellement, mais ce sont des commerces indépendants, et c'était à eux de prendre leur décision. Par ailleurs, la librairie n'accuse pas de retard sur les services numériques : les portails existent pour la réservation en boutique ou la commande. Le service numérique en soutien au magasin constitue à mes yeux une « bonne » consommation en ligne.

Comment expliquer la vague de soutien aux librairies, malgré un poids économique en baisse dans les circuits de vente ?

Il s'agit d'un commerce que chacun sait fragile. Il a été le premier à avoir été exposé à l'« amazonisation ». L'enjeu est de transformer cette attitude bienveillante en pratique d'achat exclusive. Chacun doit sortir par le haut d'une contradiction : se satisfaire d'une livraison à domicile... et déplorer la fermeture des magasins.

Y a-t-il de nouvelles pistes à explorer pour fidéliser sa clientèle ?

L'urgence est d'inscrire le livre dans la culture numérique. L'enquête sur les pratiques culturelles des Français identifie deux pôles de consommation : la culture patrimoniale (musée, lecture, théâtre...) et la culture numérique liée à internet. Le livre et les librairies doivent trouver leur place dans ce second univers qui explose alors que le premier décline. La première pratique culturelle des 15-24 ans est le visionnage de vidéos en ligne. S'adresser à eux constitue une priorité absolue.

(1) Éloge du magasin, par Vincent Chabault, Gallimard, 2020.

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