13 octobre > BD Belgique

Dès la couverture de la biographie plus ou moins fantasmée qu’il consacre à son grand-père, Olivier Schrauwen annonce la couleur : il sera question d’Arsène - le grand-père -, d’aventure, d’amour, d’architecture, de liberté et de peur. Le dessinateur annonce aussi les couleurs : du bleu et du rouge ; ou plutôt du bleu ou du rouge, selon les cases, pour marquer - quoiqu’on s’y perde, et ce n’est sans doute pas un hasard - les ruptures entre réalité et imaginaire.

Nous sommes en 1947, et Arsène Schrauwen embarque sur un paquebot à destination de "la" colonie. On comprendra qu’il s’agit du Congo, où l’attend son cousin Roger Desmet. Flanqué d’une épouse replète, Marieke, au charme de laquelle Arsène succombe aussitôt, et d’un collaborateur, Louis, avec lequel sa relation se révèle plus intime qu’il n’y paraît, Roger nourrit le projet d’édifier au cœur de la jungle une cité idéale, Freedom town, et espère pour cela l’aide de son cousin. Encore faut-il qu’Arsène s’acclimate, et ce n’est pas une sinécure dans une chaleur rendue plus oppressante encore par l’humidité. Le voilà engloutissant des bières plus souvent qu’à son tour et, pression du climat aidant, plongeant toujours plus dans un état semi-comateux. Arsène au Congo, c’est un peu Tintin affrontant les bêtes sauvages et une nature exubérante ; c’est surtout beaucoup le Joseph Conrad d’Au cœur des ténèbres, aux prises avec toutes sortes de délires. Pourtant, c’est d’abord Roger qui sombre dans la folie, obligeant Arsène à prendre lui-même la tête de l’expédition qui doit gagner la terre promise. A lui l’aventure et ses dangers, les tribus hostiles, les insectes et un méchant virus.

Déjà auteur chez Actes Sud-L’An 2 de Mon fiston et de L’homme qui se laissait pousser la barbe, Olivier Schrauwen se remet une nouvelle fois en question pour livrer un album passionnant pour lequel il a conçu un dispositif narratif très original. Econome en phylactères, le dessinateur privilégie une forme de récitatif, avec un texte superbe aux accents poétiques, qui donne à l’ensemble un charme désuet. Graphiquement, la ligne est claire. Mais elle est aussi épurée à l’extrême, réduite à l’essentiel des attitudes et des sentiments. Et parfois elle intègre des figures géométriques qui soulignent le caractère surréaliste du récit.

Fabrice Piault

Les dernières
actualités