ROMAN/NORVÈGE • 30 AOÛT Dag Solstad

A la fin d’Un amour de Swann, l’éponyme protagoniste proustien se demande comment il a pu perdre tant d’énergie et de temps à conquérir une femme qui n’était « pas [s]on genre ». Dans Onzième roman, livre dix-huit de Dag Solstad, Bjørn Hansen fait peu ou prou la même réflexion. Le nouveau roman, le onzième comme le titre l’indique, de l’auteur norvégien commence par la rupture de son protagoniste d’avec sa maîtresse Turid Lammers et une amère anatomie de leur relation de quasi deux décennies?: « Force lui était de constater, avec une stupeur frôlant la douleur, qu’il n’était plus en mesure ni de comprendre ni de revivre les raisons pour lesquelles il s’était à ce point enflammé pour elle. » Tout avait pourtant si bien commencé?: Bjørn abandonne son épouse et leur fils pour vivre une « idylle de conte de fées ».

Revenons dix-huit ans en arrière : l’accorte Turid hérite d’une demeure cossue à Kongsberg, la bien nommée « villa lammersienne ». La « muse du département » anime avec fièvre le club de théâtre amateur. Bjørn, « gosse de basse classe » mais qui, à la force du poignet et au bout de brillantes études, s’était hissé à un bon poste au « Ministère », accepte celui nettement moins prestigieux de receveur du Trésor public de la province, rien que pour être auprès de sa Dulcinée.

C’est Madame Bovary à l’envers. Emma, la femme du médecin falot, largue son quotidien d’ennui pour une chimère de vie exotique, Bjørn Hansen, promis à un avenir prometteur, brûle ses vaisseaux pour une existence des plus plates. A 50 ans, il souffre de maux d’estomac. Est-ce la fin?? Mais y a-t-il jamais eu un début ? et de quoi au juste ? Il consulte le Dr Schiøtz, à qui il confie son saumâtre état d’âme et un plan de sortie. L’ennui étant le thème de cette deuxième œuvre traduite de Solstad, après Honte et dignité (Les Allusifs, 2008), il ne faut guère s’attendre à des cliff-hangers façon séries. S’il n’y a pas de suspense stricto sensu, on n’est pas sans éprouver une tension que l’art consommé de Dag Solstad instille grâce au scalpel sans merci de son analyse et à une phrase d’une belle fébrilité. Haruki Murakami, happé par la singularité de son style lorsqu’il le découvrit au cours d’un séjour en Norvège, a même décidé de traduire ce roman en japonais à partir de sa version anglaise.

DAG SOLSTAD

Onzième roman, livre dix-huit - 
Traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud


NOIR SUR BLANC
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 17 euros ; 240 p.
ISBN: 9782882505279
03.09 2018

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