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Le matérialisme de notre époque n’a pas que de mauvais côtés, lorsqu’il se met au service de notre patrimoine littéraire commun. Ainsi, c’est grâce à une collecte participative de deux mois (du 10 juillet au 10 septembre), ce qui est l’aune de ce système, que les éditions de l’Antilope vont pouvoir publier, le 20 octobre prochain, Le chevalier Paris et la princesse Vienne, roman de chevalerie dû à l’érudit Elia Levita (de son vrai nom Elyahu Bahur, 1469-1549), un Juif de Nuremberg, grammairien et poète, parti s’installer à Venise où il a travaillé et où il est mort.

Parmi ses activités, la traduction en yiddish d’une œuvre courtoise antérieurement connue dans d’autres langues, dont l’italien, d’où Levita est parti. Sa version est parue en 1594. « Il n’a pas vraiment “ judaïsé” l’histoire, explique l’éditeur, Gilles Rozier. Son roman comporte des épisodes situés dans plusieurs espaces religieux, dont le christianisme et l’islam ». Très connu en son temps, le texte avait été abondamment lu, cité et commenté, mais on n’en connaissait pas jusqu’à présent l’intégrale. Un exemplaire, unique, a été retrouvé en 1986 par une chercheuse italienne dans une bibliothèque épiscopale de Vérone, et Arnaud Bikard, spécialiste d’Elia Levita à qui il a consacré sa thèse, s’était empressé de le traduire. En 6 000 alexandrins, le vers français classique par excellence.

C’est lui qui a proposé le projet à l’Antilope et en est le maître-d’oeuvre. Mais, afin de donner à l’ouvrage une belle allure (reliure et dorures sur la couverture), et une diffusion un peu plus large (un premier tirage de 1500 exemplaires est prévu), l’éditeur a recouru au système du crowdfunding, via la plate-forme kisskissbankbank, afin de réunir les 6 000 euros nécessaires à l’opération. Soit 1 euro l’alexandrin… « Les résultats ont même dépassé nos attentes, poursuit Gilles Rozier, puisque nous avons recueilli 6 800 euros, avec des montants qui vont de 10 à 1 500 euros ». Ce don-là est dû à Anne Goscinny, fidèle soutien de la petite maison.

Par-delà cette histoire, joli paradoxe entre la méthode et l’objet, et qui demeurera semble-t-il un « one shot », l’Antilope a voulu mettre en lumière la littérature en yiddish, « dont on ignore en général, conclut Rozier, qu’elle a commencé au Moyen-Age ».

 

Elia Levita, Le chevalier Paris et la princesse Vienne, roman de chevalerie, traduit du yiddish ancien par Arnaud Bikard, l’Antilope, 288 p., 30€, mise en vente le 20 octobre.

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