« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille », chante Maxime Le Forestier dans Né quelque part. Des paroles qu'Elie Robert- Nicoud pourrait reprendre à son compte. Bien qu'il ait vécu à leurs côtés une enfance à la fois délirante et souvent cauchemardesque (« "Mon père est cinglé", c'est quelque chose de difficile à se dire quand on est gosse », raconte-t-il), il a décidé de consacrer aux siens un récit de mémoire, à la fois recueil de souvenirs et tentative de mettre au clair des origines plus que complexes. « Beaucoup de gens m'ont poussé à raconter leur histoire, dit-il. Ce que j'ai fait, en m'effaçant au maximum. » De toute façon, ces deux-là se suffisent amplement.

Sapeur-pompier

Elie Robert-Nicoud est donc le rejeton de Robert Robert-Nicoud, fils illégitime d'un Russe « disparu » et d'une mère qui l'a abandonné dans un orphelinat suisse où il a été martyrisé. Reconnu par un certain René Robert-Nicoud, celui-ci lui a donné son nom. Et Willy, prénom générique au pensionnat, est devenu Robert. Suisse, protestant, peintre, il a ensuite « russifié » son nom en Nicoïdski. Et c'est ce pseudonyme qu'a adopté son épouse, Clarisse Abinun, descendante d'une lignée de juifs chassés d'Espagne (son père était né à Sarajevo, sa mère à Trieste), romancière sous le nom de Clarisse Nicoïdski dès Le désespoir tout blanc, paru en mai 1968. Robert Nicoïski aurait pu devenir un artiste riche et célèbre, ce qui s'est produit à plusieurs reprises, tour à tour abstrait ou figuratif, mais « chaque fois qu'il aurait pu s'en sortir, raconte le fils, en proie à une espèce de pulsion de mort, il a tout cassé ». Quant à sa mère, son œuvre est assez oubliée aujourd'hui. Sauf les poèmes qu'elle a écrits en ladino, le dialecte des marranes, publiés dans le monde entier. Elie en est fier, et espère que l'adaptation au cinéma, prévue l'an prochain, du Désespoir tout blanc, fera redécouvrir Clarisse. Robert, « l'éléphant dans un magasin de porcelaine », l'ancien boxeur et ses 186 cm, et Clarisse, « son bonsaï de 1,42 m », sont morts en 1996, dans leur caravansérail de la place Clichy, à quelques mois de distance.

Elie, lui, a pris la tangente dès qu'il l'a pu, à 20 ans, « le plus loin possible d'eux, là où ils ne me retrouveraient pas », c'est-à-dire en Angleterre. Il parlait parfaitement l'anglais, que sa mère, qui l'enseignait, lui avait appris. Et il se dit « anglophile ». Tout son parcours le prouve : il a fait sa thèse à Cambridge sur « les écrivains anglais frivoles qui se sont convertis au catholicisme, comme Evelyn Waugh, Graham Greene ou Chesterton », matrice de son premier essai, paru chez Lattès en 1994. Il a épousé une Anglaise, peintre « qui ne veut plus entendre parler de l'Angleterre », avec qui il vit... en Dordogne of course. Lorsqu'il s'est mis à écrire des polars, la plupart inspirés d'expériences personnelles (la boxe, ou son engagement de sapeur-pompier), c'est sous le pseudonyme de Louis Sanders : « le nom de la maison de Winnie l'Ourson ». Et il est également traducteur d'auteurs anglo-saxons.

« Mon père ne voulait pas que je sois boxeur ni peintre, comme lui, confie Elie Robert-Nicoud. Quand, gamin, on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je répondais : "rien". Je suis devenu écrivain, comme ma mère ». Louis Sanders aimerait continuer à écrire ses polars (le suivant est prévu, toujours chez Rivages/Noir), et Elie ses autres livres, sur la boxe par exemple. « Je songe à un récit sur Jack Dempsey, champion multiple, très mystérieux, violent, qui me fascine. Comme l'Amérique. » Tiens donc.

Élie Robert-Nicoud
Irremplaçables
Stock
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 17 euros, 192 p.
ISBN: 9782234085084

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