En bon lieu. Il est des lieux magiques, et pas forcément lointains, auxquels un écrivain comme Erik Orsenna ne peut qu'être sensible. Comme le 37, rue Froidevaux, dans le XIV^e arrondissement parisien, là où le grand Capa, pionnier de la photo humaniste, avait son atelier. C'est là qu'habite aujourd'hui Bernard Matussière, l'un de ses disciples, ami de Cartier-Bresson et pote de jeunesse de l'académicien bourlingueur. C'est là également que vit l'éditrice Anne- Marie Métailié. Tous les paramètres étaient réunis pour une rencontre, et, naturellement, un livre : cet album, mélange de textes, carnets de voyages et photographies en noir et blanc, où Orsenna et Matussière, dit Matus, ont réuni quelques-uns de leurs périples, Cuba, Sahel, Bangladesh, Chine. Orsenna évoque le pays, les circonstances du voyage. Matus est plus factuel dans ses notes, et, surtout, nous donne à voir. À Cuba, Erik Orsenna raconte sa famille, son grand-père Jean, installé là-bas et enthousiasmé par la Révolution castriste. Tout le monde va bientôt déchanter... Matus montre La Havane telle qu'elle est, délabrée et mélancolique. Au Bangladesh et ailleurs, ce qui frappe, c'est la façon dont il maîtrise l'art de saisir les regards des gens qu'il photographie, souvent le petit peuple pauvre et industrieux, sans concession aucune à un quelconque exotisme. Une belle réussite, un livre de ferveur entre amis, qui donne évidemment l'envie de (re)partir.