Bilan

Festival America 2018: une édition féministe

Claude Combet

Festival America 2018: une édition féministe

Le 9e festival des littératures américaines, qui s’est déroulé du 20 au 23 septembre à Vincennes, s’est inscrit dans le mouvement #metoo et a fêté les auteures aux côtés des invités d’honneur John Irving et Margaret Atwood.
 

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Par Claude Combet, Vincennes
Créé le 24.09.2018 à 14h37

Alors que le Canada et ses écrivains anglophones et francophones étaient invités au 9e festival America, qui s’est déroulé à Vincennes du 20 au 23 septembre 2018, ce sont les auteures qui ont touché les amateurs de littérature américaine venus en nombre. Le festival America a accueilli 40 000 visiteurs, selon les estimations fournies par les organisateurs, contre 36 000 en 2016.

La 9eédition a eu aussi son invité vedette, John Irving, qui a eu droit à un Café des libraires, à l’émission "Le temps des écrivains" sur France Culture, à une rencontre avec François Busnel suivie de la projection du film Le monde selon Garp et à une rencontre avec les primo-romanciers Kevin Hardcastle et Nathan Hill qu’il a parrainés. La librairie Lucioles a vendu 250 exemplaires de l’édition collector du Monde selon Garp et s’est retrouvé en rupture. "Il existe une vraie communauté des lecteurs de John Irving qui sont venus l’acheter, avec lesquels ce furent les grandes retrouvailles. Mais il y a une nouvelle génération qui l’a découvert. L’œuvre de Dieu, la part du Diable traite de sujets très contemporains", commente le libraire Renaud Junillon.
 
Photo CLAUDE COMBET
Le festival s’inscrit dans la société contemporaine et dans les thèmes d'actualité, ce qui fait aussi son succès. Après une édition politique sur fond d’élections américaines et de lutte contre l’oléoduc du Dakota du Nord en 2016, l’édition 2018 s’est fait l’écho du combat des femmes et du mouvement #metoo. Bien qu'absente, Margaret Atwood s’est prêtée à un duplex en direct de l’alliance française de Toronto, qui a attiré dans la grande salle du Centre Pompidou (complète) à la fois des fans mais aussi de jeunes lecteurs qui l’ont découverte avec l’adaptation en série télévisée de La servante écarlate et d'Alias Grace. "La servante écarlate est devenue un symbole de l’oppression des femmes partout dans le monde. Ne perdons pas de vue que nous vivons une situation inédite depuis les années 30. Nous avons tous une responsabilité en tant que citoyens et en tant qu’écrivains", a-t-elle commenté.
"Je ne suis pas militante car je ne consacre pas ma vie à une cause. Je suis une auteure et je prends la parole sur l’écologie parce que si on continue à tuer les océans, on est mort; sur le droit des femmes parce que ça concerne 50% de la population mondiale; et sur les artistes parce qu’ils sont en première ligne dans les régimes totalitaires", a-t-elle martelé. Sur les adaptations, elle a loué le format de la série "qui permet de développer un narratif plus long que le cinéma", ajoutant avec son sens de l’humour et de la répartie: "J’ai un titre de consultant quelque chose, mais ça ne veut pas dire qu’ils doivent faire ce que je dis."

Autre grande figure féminine, Christiane Taubira a aussi fait salle comble dans un débat sur le thème "Esclavage: un devoir de mémoire" avec Yaa Gyasi, Dany Laferrière et Colson Whitehead. 
 
Grégoire Courtois, de la librairie Obliques, à Auxerre, a été obligé de faire du réassort sur La servante écarlate. Il constate que le public s’intéresse aux auteures féministes comme Leni Zumas, "une auteure inconnue qui signe son premier roman, remarquée parce qu’elle traite de thèmes importants comme la GPA et l’avortement", précise-t-il. A la librairie M’Lire de Laval, ce sont deux primo-romancières "qui ont fait sensation", selon Delphine Bouillo, Yaa Gyasi, d’origine ghanéene, et la toute jeune Fatima Farheen Mirza. A la librairie du Square, outre Gabriel Tallent, que les festivaliers arrêtaient dans la rue et qui a signé jusque sur les marches de l’hôtel de ville, les lecteurs ont plebiscité deux écrivaines, Ivy Pochoda et Jean Hegland. Sur le stand de la librairie de Paris, la sensation est venue d’Emil Ferris, l’auteure de la BD Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, dessinant avec passion ses dédicaces, coiffée d'un grand chapeau noir.  

Débats, rencontres, joutes de traduction font toujours le plein au festival America. On y philosophe avec Jeffrey Eugenides qui se réfère à Toqueville pour analyser la société d’aujourd’hui ou on s’émeut quand au cours du débat "La vie comme elle va", les écrivains Lise Tremblay, Kristopher Jansma et Brad Watson, évoquent les blessures familiales. On y rencontre ses écrivains favoris comme Michael Chabon, Dan Chaon, Vivian Gornick, Richard Powers, Richard Russo, Colson Whitehead et on se précipite sur Au loin d’Hernán Diaz, prix Page des Libraires et sur Le plongeur, de Stephane Larue, prix des Lecteurs de Vincennes. 

Enfin, signalons que l’édition 2018 a inauguré deux nouveaux lieux, la crypte de l’église Notre-Dame et la salle des cartes du château de Vincennes, une nouvelle configuration centrale autour du Magic Miroir et de l’Espace jeunesse, et deux nouvelles librairies, la Librairie de Paris et Obliques d’Auxerre, autant de nouveautés qu’on devrait retrouver pour la 10e édition en 2020.  
 

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