Pour saluer Marie. « J'ai longtemps hésité avant de me décider à parler d'elle, à témoigner d'une époque que je n'ai pas vécue. Mais après tout, pourquoi pas. Pourquoi ne pas raconter son histoire, une histoire, à ma façon, même si je n'en connais que des bribes, même si je mentirai parfois. Il n'y aura personne pour m'en faire grief, à part Marie, d'un air goguenard, dans les allées de mon esprit. » Elle donc, c'est Marie, la grand-mère de Franck Bouysse. Née en 1912 aux Herbiers, en Vendée, dans une ferme qu'elle ne quittera jamais. Elle traversera le siècle. Une femme de peu. Ce qui en littérature, comme c'est ici le cas, est tout de même beaucoup. Il n'y a pas de vie minuscule au regard d'un romancier. Bouysse se souvient et pour le reste, il imagine. Le portrait qu'il dresse est celui d'une femme forte et douce à la fois, qu'accompagnent la bonté et une forme de résistance et de bravoure aux attaques régulières de la tragédie. Fille de la Grande Guerre et de la grippe espagnole, Marie ne se laissera jamais tout à fait emporter par l'aile noire de la mélancolie. Elle ira de chagrins en solitudes (un père, un mari, des hommes en allés), mais elle n'oubliera jamais de saluer la beauté du monde et de son spectacle. Si ce genre d'exercice peut trop facilement verser dans un sentimentalisme mièvre, Franck Bouysse (multiprimé en 2019 pour Né d'aucune femme, La Manufacture de Livres) se défait parfaitement de cet écueil dans ce livre tendre et lumineux. Sa Marie est certes sa grand-mère, elle est aussi un peu la nôtre. Revenue d'entre les morts.