L'art du ninja. Auteur prolifique à l'œuvre inclassable, Hugues Micol n'a cessé, depuis sa première bande dessinée en 2000 (Chiquito la muerte, avec Jean-Louis Capron, Delcourt), de varier les styles graphiques et les techniques. Quel que soit le genre abordé, western, SF ou récit historique, il a toujours fait preuve d'une impressionnante maestria graphique, seulement parfois un peu assagie quand il travaille en duo avec un scénariste. Lorsqu'il est seul aux commandes, son dessin se fait plus libre, la création plus folle. C'est le cas ici, dans ce GariGari où Micol invente une histoire de ninja dans un Japon féodal baigné de fantastique, avec yōkai et autres curieuses créatures.

GariGari commence lors d'une démonstration de tir à l'arc, par un malheureux incident qui crée un contentieux entre deux clans. Pour éviter un embrasement de la situation, un jeune ninja, aux talents prodigieux, est engagé pour aller récupérer dans le camp ennemi la flèche à l'origine du différend. Évidemment, son chemin sera semé d'embûches et de péripéties - sauvetage d'un poisson magique et d'un bébé affamé, rencontre avec des batraciens géants, tentatives d'assassinat, trahison... Comme dans tout conte initiatique, le jeune homme sera récompensé de ses bonnes actions quand il se trouvera dans l'embarras.

L'un des tours de force de GariGari est qu'il est entièrement muet. Pas une bulle, pas un récitatif. L'histoire, parfaitement construite, ne tient que grâce à la grande habileté narrative de son auteur et à la puissance de son dessin. Et quel dessin ! En noir et blanc, précis, détaillé à l'extrême, tout en hachures et traits serrés, il est au service de plans et de cadrages spectaculaires qui confèrent au récit son rythme bouillonnant, sans temps mort. Hugues Micol représente avec autant d'aisance la nature nippone que les combats épiques du ninja ou la ville, but de son voyage, où règnent divertissement et luxure.

Nourri par le film de sabre et le cinéma d'action hongkongais, évoquant à la fois Shigeru Mizuki, Taiyô Matsumoto, Hiroshi Hirata, Nylso, Blutch ou même Daumier, GariGari est un album au souffle incroyable, à la beauté époustouflante. Et l'on ne peut s'empêcher de s'arrêter sur chaque planche où rien n'est laissé au hasard pour en apprécier tout le merveilleux, la fantaisie, et la maîtrise.