13 OCTOBRE - BEAU LIVRE France

Bernard Chambaz rend hommage en connaisseur, en pratiquant (ici presque au sens religieux tant cette épreuve est mystique) : il a couru trois marathons. "A l'automne 1992, je me suis dit que ce serait une bonne idée de disputer un marathon. J'en ai couru un premier. J'ai adoré. J'en ai couru un deuxième. J'ai adoré. Pour une obscure logique de nombres qui ne regarde que moi, j'en ai couru un troisième. J'ai adoré. Cela dit, il n'y a pas de raison que je n'en coure pas, un jour, un quatrième. Tout est question de temps », raconte l'écrivain en préambule à ce beau livre illustré, qui célèbre l'une des plus fascinantes épreuves sportives : les 42,195 km de course à pied qui puisent endurance, énergie et rythme au coeur des ressources physiques et intérieures humaines.

L'amateur en parle en spécialiste donc, avec culture mais sans jargon. Il n'en parle pas non plus du dedans, comme Murakami dans Autoportrait de l'auteur en coureur de fond (Belfond), dont Bernard Chambaz rappelle le titre original : Ce dont je parle quand je parle de courir. En parallèle à une centaine d'images, des photographies surtout, il raconte comme on transmet des légendes, avec un ton léger de conteur, sans emphase. Les faits de gloire, les héros. Rappelant dans le premier chapitre, "Courir dans l'Antiquité", combien la mythologie imprègne cette course dès les origines.

Il y a les courses mémorables : le premier marathon olympique de l'ère moderne en 1896 à Athènes, couru le 9 avril aux heures les plus chaudes de l'après-midi. Remporté par un berger grec, Spiridon Louys, en un peu moins de trois heures. Londres, 1908, où le vainqueur Dorando Pietri est finalement disqualifié pour avoir été aidé à se relever après des chutes. Qui à la fin de sa vie, note Bernard Chambaz, "gérera moins bien l'argent que l'effort »... Et il y a bien sûr les hommes, les coureurs, ces athlètes aux corps d'arbres, les demi-dieux : Emil Zátopek (devenu le personnage de Courir de Jean Echenoz), Alain Mimoun, Abebe Bikila, le Kenyan Samuel Kamau Wanjiru, qui bat le record olympique à Pékin en 2008 en 2 h 6' 32», mort chez lui à la suite d'une chute en mai dernier... Des hommes et quelques femmes aussi, si longtemps exclues de cette course reine : Roberta Gibb, qui court sans dossard en 1966, vêtue d'un bermuda de son frère, au mythique marathon de Boston, l'Américaine Joan Benoit, la première médaillée olympique à Los Angeles... en 1984. "Dans un marathon, il faut trouver sa propre cadence », dira-t-elle.

Ils courent, elles courent, nous courons, partout, depuis toujours. Pourquoi ? Après quoi ? Le livre de Bernard Chambaz ne répond pas à ces questions. Mais suggère que c'est peut-être pour ça que c'est beau.

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