Entretien

Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture à Marseille: "Nous avons besoin de bibliothécaires"

Jean Marc Coppola - Photo Mairie de Marseille

Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture à Marseille: "Nous avons besoin de bibliothécaires"

Le 20 octobre prochain, la ville de Marseille ouvrira les portes de sa nouvelle médiathèque, Salim-Hatubou, installée sur le plateau du Plan d’Aou. Le nouvel adjoint à la culture de la ville, Jean-Marc Coppola, explique sa politique sur les bibliothèques et la lecture publique de la cité phocéenne. 
 

J’achète l’article 1.5 €

Par Thomas Faidherbe,
Créé le 14.10.2020 à 10h55

Dans le cadre du projet de renouvellement urbain du quartier Plan d'Aou, les nouveaux élus de la mairie de Marseille inaugurent le 20 octobre prochain la neuvième médiathèque du réseau. Le nouvel adjoint à la Culture de Marseille, Jean-Marc Coppola évoque cette nouvelle médiathèque, envisagée dès 1995, et l'ensemble du réseau marseillais.  

Qu'elles sont les origines de la médiathèque Salim-Hatubou ?  
Cela faisait partie d'un projet de rénovation d'une cité populaire, vieux de 25 ans. Nos prédécesseurs l’ont initié, dont le maire du secteur Guy Hermier, qui avait été l'un des instigateurs. Vous imaginez bien, que 50 ans après la construction des cités des quartiers Nord, il fallait rénover tout cela. Les cités populaires manquaient de lieux communs, de services publics. Dans la rénovation urbaine qui a démarré au début des années 90, il était impensable de ne pas mettre un lieu culturel tel qu'une bibliothèque-médiathèque. L’idée c’est de construire l'une des plus belles médiathèques de proximité dans un quartier populaire, construit et pensée avec les habitants et habitantes.

La nouvelle médiathèque Salim-Hatubou ouvrira ses portes dans quelques jours. Mais le projet remonte à 1995, pourquoi tant de temps ?  
En matière de bibliothèque, l'ancien maire Jean-Claude Gaudin avait fait passer des rapports et une délibération sur la lecture publique en 2015. Pas une ligne, pas un mot, pas une virgule à changer. Sauf que si à côté, vous ne mettez pas les moyens humains matériels et financiers, cela reste lettre morte. Donc pour ne pas délaisser un projet d’une telle envergure, il faut une vraie volonté politique, pour penser, réfléchir, décider et mettre en œuvre. Dans une situation comme celle de Salim-Hatubou, la volonté politique ne concerne pas que les élus. Il faut aussi impliquer les citoyens.

Seulement 8 bibliothèques pour la ville de Marseille, allez-vous-vous mettre au niveau des autres grandes villes française ?  
Bien sûr ! On a dans notre programme la volonté de créer des maisons de culture dans tous les arrondissements. Nous allons mélanger toutes les disciplines et tous les arts pour obtenir des lieux interdisciplinaires et des lieux de vie. Nous ne fixons pas d'objectif. 16 à Lyon, 24 à Toulouse, mais déjà si les huit qui existent fonctionnent correctement plus la neuvième Salim-Hatubou et que chaque année on arrive à en créer d'autre dans la proximité. On aura gagné notre pari d'avoir un réseau digne de ce nom dans la deuxième ville de France.

Dans quelles mesures la nouvelle médiathèque s’inscrit dans une remise à niveau de la culture de la ville ?  
Disons qu'il y a vraiment une grande diversité, une grande richesse culturelle à Marseille. Je pourrais même dire qu'il y a des pépites dans certains nombres de domaines. Mais ça ne fait pas partie des biens communs partagé par tous. Hormis pour quelques experts, ce n'est pas assez connus et les marseillais ne se sont pas appropris ces lieux. Par exemple les musées: le musée de l'histoire de Marseille, qui parle de 26 siècles d'histoire, est peu fréquenté par les marseillais. Comment voulez-vous vivre dans une ville qui a une telle histoire sans connaître ses racines, sans savoir pourquoi on est là. On va s'attacher à ce que la culture soit vraiment un droit, accessible à toutes et à tous, telle la gratuité d'accès aux musées de Marseille, payée par la ville. Un petit symbole, mais un symbole essentiel.
 
Horaires adaptés à la demande des établissements scolaires, des étudiants, des travailleurs, des retraités, la gratuité des prêts... ce sont vos autres promesses de campagnes pour l’accès au livre ?  
Pour les mettre en œuvre, il faut s'accompagner des moyens. En tout cas, nous allons tout faire pour les réaliser. Notre volonté et notre ambition, c'est d'ouvrir des bibliothèques de proximité. On veut aussi ouvrir dans les horaires d'ouvertures les bibliothèques actuelles, mais pour ça, il va falloir recruter. Donc, nous allons faire un plan d'accompagnement pour que les personnes puissent travailler dans de bonnes conditions. Nous avons du retard, mais on veut le rattraper aussi. Nous avons la politique et on les mettra en œuvre.
 
Quelle sera l’offre de la nouvelle médiathèque Salim Hatubou ?  
La médiathèque proposera dans une surface de 900m2 plusieurs espaces. Il y aura près de 30 000 documents pour le public. Entre les espaces pour la petite enfance, les ados et les adultes, nous ravirons le plus grand nombre.  L'accent sera mis sur une programmation culturelle riche et diverse qui fera la part belle a? la jeunesse. 
 
Photo MARSEILLE RÉNOVATION URBAINE


Le nom de la médiathèque Salim Hatubou, , c'est aussi un symbole de la ville multiculturelle de Marseille ?  
C'est une reconnaissance. Salim-Hatubou était un poète disparu trop tôt. Il est mort prématurément à l'âge de 50 ans. Avec cette nouvelle médiathèque, nous avons souhaité mettre en valeur l'un des leurs. Il y en a des dizaines comme lui. Aujourd'hui cette reconnaissance est faite à Marseille. C'est aussi un encouragement pour donner de la fierté, faire grandir l'estime de soi chez les plus jeunes. En disant à ceux qui souffrent dans les quartiers : "il y a d'autres voies que la voie de la facilité avec les trafics." Nous sommes fiers d’avoir des personnes en tout genre, comme dans le domaine de l'écriture avec Salim-Hatubou. On ne trouve pas meilleure dénomination. La médiathèque est implantée au sein d’un lieu de croisements, d'échanges. Ce n'est pas simplement une médiathèque dans une cité populaire où on se renferme dans le ghetto. C'est au contraire une ouverture pour que les gens puissent se rencontrer.
 
Les bibliothèques ont beaucoup souffert ces dernières semaines. Avec une crise sociale interne, mêlant ingérence syndicale et changement de directeurs, les bibliothèques sont en bout de souffle. Apporterez-vous une aide pour ce secteur en crise ?  
Pas simplement un soutien. Sur les 8 bibliothèques qui existent, il y a actuellement 220 agents. Pour avoir un bon fonctionnement, il faudrait avoir 300 agents. Il en manque déjà. Sur les 220 personnes, il y en a 50 en arrêt maladie. Dans les 6 ans à venir, il y en a 90 qui partent à la retraite. Vous imaginez la situation ? Il va falloir un plan de recrutement et de qualification des agents parce que ce n'est pas tolérable. Moins de personnels, c'est moins de service rendu aux usagers. C'est aussi des conditions de travail déplorables, qui font que l'on est dans un cercle vicieux où les gens sont en dépression. Recrutez c'est améliorer le service et améliorer les conditions de travail de gens.  Nous avons besoin de bibliothécaires, de gens qualifiés pour que ça puisse faire rayonner la ville.

Quelles sont vos autres perspectives ?  
Si on fait des efforts pour développer la lecture publique, ce ne sont pas les projets qui manquent ni même les initiatives et les aides. En la matière, nous comptons demander le soutien du ministère de la Culture. On développera les moyens d'accéder à la lecture publique. Je n'ai pas de soucis du fait que la tablette envahit le monde des enfants et des petits. On s'aperçoit que chez les jeunes, il y a un retour à la matière. La lecture c'est avant tout donner le goût tout en aidant les parents à faire lire des histoires. C'est tout un processus et un travail de fond. Nous voulons initier et récolter le fruit de ce que l'on va semer.
 

Les dernières
actualités