MEXIQUE

La Foire de Guadalajara rend hommage aux 43 étudiants disparus d'Ayotzinapa

Mylène Moulin

La Foire de Guadalajara rend hommage aux 43 étudiants disparus d'Ayotzinapa

La Foire internationale du livre de Guadalajara, qui s'est clôturée dimanche 7 décembre,  a permis au monde de la culture d'exprimer sa solidarité avec les familles des disparus et de rappeler que les écrivains ont un rôle à jouer dans la défense de la liberté d'expression et dans le combat contre l'horreur. 

 

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Par Mylène Moulin, Guadalajara, Mexique
Créé le 08.12.2014 à 14h16

Dans les discours des écrivains et les conversations entre éditeurs, sur les murs des stands et les pin's affichant “43” aux revers des vestes : à la Foire internationale du livre (Fil) de Guadalajara, les 43 étudiants mexicains disparus depuis le 26 septembre étaient partout, malgré leur absence. Dès la cérémonie d'inauguration, le président de la foire a mentionné le cas d'Ayotzinapa “qui génère tant de douleur et d'indignation chez les Mexicains”, et affirmé qu'en plus d'être un rendez-vous privilégié pour la rencontre entre auteurs et lecteurs, “la Fil est un espace démocratique ouvert à la diffusion, au débat, à l'analyse et à la réflexion sur les phénomènes sociaux et l'actualité”.

Elena Poniatowska, Fernando del Paso, Enrique Serna, Ken Follet, Claudio Magris etc. Chaque jour, dans chaque conférence ou au détour d'une interview, les écrivains invités ont fait mention du drame des disparitions forcées au Mexique. Plutôt timides sur la question, les auteurs français se sont contentés d'exprimer leur solidarité avec les familles des victimes.

Lundi 1er décembre, un groupe de sept écrivains dont Benito Taibo, Juan Villoro et Paco Ignacio Taibo II a abandonné un moment la Fil pour s'unir à une manifestation organisée à Guadalajara, réclamer le retour en vie des normaliens disparus et dénoncer l'attitude répressive de l'Etat. En réponse au regroupement, le bâtiment de la Fil a été barricadé et protégé par des éléments de la police et des forces spéciales de Guadalajara suréquipées. Des mesures jugées disproportionnées par de nombreux auteurs et éditeurs.

Pour les professionnels présents, cet événement a permis de prendre la mesure de l'importance du livre et de la culture dans un pays comme le Mexique. Pour le Mexicain Enrique Serna, “l'impact de l'écrivain sur la société est relatif car c'est un pays qui lit très peu. Même si le roman ne provoque pas des mouvements sociaux, il montre comment s'articulent vie privée et vie publique et peut influencer l'attitude des individus en cas de crise. Ce genre a un rôle à jouer dans une société où la barbarie est si commune”.

Interrogé par Livres Hebdo, Paco Ignacio Taibo II a estimé que les écrivains doivent s'engager contre la terreur d'Etat : “A côté des intellectuels du pouvoir, il y a une communauté éclatée mais respectée par les lecteurs. Cette aile-là a beaucoup d'impact sur le public car ce ne sont pas des écrivains institutionnalisés mais des citoyens reconnus par des gens qui les suivent depuis des années, les lisent et les écoutent. La communauté cherche des voix pour la représenter et c'est à nous de leur répondre.”

Vendredi, les portraits de quatre étudiants d'Ayotzinapa ont été exposés devant la Fil. Ils avaient été déposés par le père d'un des jeunes disparus, venu à Guadalajara porter un message. Ce dernier s'est adressé aux journalistes et aux professionnels du livre en les priant de continuer à parler de son enfant disparu et de ses camarades, de diffuser ce qui se passe au Mexique en matière de violation des droits fondamentaux, et de se joindre à l'exigence de justice réclamée par les parents. “Je suis pauvre et malade, mais ça ne m'importe plus. Mon corps a cessé de me faire mal quand mon cœur s'est brisé pour mon garçon disparu. Ne nous oubliez pas s'il vous plaît et continuez à nous soutenir, car votre soutien est ce qui nous permet de ne pas tomber”, a imploré l'homme, qui portait un tee-shirt à l'effigie de son fils, Julio César Lopez Patolzin.

Le 26 septembre dernier, 43 étudiants de l'Ecole normale rurale d'Ayotzinapa ont disparu à Iguala, dans l'Etat de Guerrero. Arrêtés arbitrairement et livrés par des policiers corrompus à un groupe de narcotrafiquants, les jeunes auraient été exécutés puis brûlés. Cet épisode a mis en évidence les liens entre les autorités, les forces de l'ordre et le crime organisé au Mexique, et provoqué une vague d'indignation et de manifestations dans le pays comme à l'étranger. 

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