Non, ce n'était pas mieux avant

En 1782, l'ancien diplomate Charles de Peyssonnel s'inquiétait de « la surproduction de livres inutiles » au même titre que des outrages faits à l'orthographe et des embouteillages (trop de carrosses dans Paris, les gens ne marchent plus !). Dans Petite chronique du ridicule que Payot a réédité en novembre dernier, il écrit :

« Il est curieux d'examiner combien de fois le public achète la même chose, pour ne rien avoir. D'abord un amateur se procure les gazettes [...] ; peu après, elles forment des corps d'histoire, qui subissent à leur tour d'autres métamorphoses ; ils deviennent des dictionnaires, des histoires de sièges, de batailles, de traités, de négociations, des portraits, des vies de grands hommes. Ils se transforment même en recueils d'anecdotes. Quand on a imprimé, réimprimé tout cela jusqu'à satiété, on met ces histoires en estampes, au bas desquelles sont des notices au burin. »

La production par secteurs en 2018

2018 : 67 942 nouveaux titres (-0,4%)

La production en titres stagne pour la quatrième année consécutive, à 67 942 nouveautés et nouvelles éditions (- 0,4 %) en 2018 d'après nos données Livres Hebdo/Electre Data Services. Les hausses significatives ne touchent qu'une poignée de secteurs : psychologie appliquée et développement personnel (+ 16 %), paramédical (+ 15 %) et santé (+ 4 %), religions (+ 5 %), architecture (+ 9 %), artisanat d'art (+ 7 %), BD (+ 6 %), fiction jeunesse (+ 9 %), roman français (+ 10 %), fantastique et SF (+ 7 %) ou histoire de France (+ 17 %).

SHS : la décélération se poursuit

A 8 287 nouveautés et nouvelles éditions, la production de sciences humaines et sociales continue de baisser en 2018. C'est particulièrement le cas en politique, un an après les élections présidentielle et législatives de 2017, mais aussi en droit, en pédagogie et pour les problèmes sociaux et sécurité publique. En revanche, sauf pour l'économie du travail, la production de nouveaux livres d'économie se redresse après avoir marqué le pas l'année précédente.

Sciences appliquées : tous en santé

Globalement en retrait de 1,6 %, le nombre de nouveaux titres techniques et pratiques évolue de manière contrastée. S'il chute en médecine (- 21 %), en cuisine (- 12 %) et pour les animaux domestiques et l'élevage (- 11 %), il continue de progresser en paramédical (+ 15 %), santé (+ 14 %), puériculture et soins à domicile (+ 49  %). Egalement en hausse, les technologies des transports (+ 10 %), le jardinage (+ 5 %) et l'économie du foyer et de la vie familiale (+ 9 %). L'important secteur de la gestion affiche une production stable (+ 1 %).

Arts : troisième année de baisse

La production de livres d'art recule pour la troisième année consécutive, à 5 175 nouveautés et nouvelles éditions (- 5,1 %). Hors de l'architecture, de la musique, de l'artisanat d'art et des activités créatrices, la baisse touche presque toutes les catégories d'ouvrages et en particulier les ouvrages généralistes sur l'art (- 12 %), les arts plastiques (- 28 %), la photographie (- 10 %), l'urbanisme (- 26 %), les arts décoratifs (- 8 %) ou encore les titres sur le cinéma, la télévision et la radio (- 16 %).

Romans : le cap des 10 000 est franchi

Avec 10 437 nouveautés et nouvelles éditions (+ 5,4 %), la production de romans percute le cap symbolique des 10 000 nouveaux titres en 2018. La production de romans et nouvelles français explose (+ 10 %), tout comme celle des romans fantastiques et de science-fiction (+ 7 %). L'évolution du nombre de romans policiers et d'espionnage reste plus modeste (+ 3 %) quand la production de romans et nouvelles étrangers apparaît totalement stable, avec tout juste un titre de moins par rapport à 2017.

Jeunesse : plus de fiction

En phase avec des ventes qui demeurent plus porteuses que celles de la plupart des autres secteurs, la production d'ouvrages pour la jeunesse continue de progresser lentement mais sûrement en 2018, à 11 966 nouveautés et nouvelles éditions (+ 0,6 %), principalement en raison d'une accélération de la croissance du nombre de nouveaux titres en fiction (+ 9 %). Les autres segments du livre jeunesse voir leur production se contracter de - 2 % pour les titres d'éveil et pour les documentaires, et de - 6 % pour les activités et jeux.

La production par éditeurs en 2018

Un peu plus faible en 2017, le nombre d'éditeurs actifs est remonté en 2018 à son niveau de 2016, et même exactement le même qu'en 2012 avec 4 534 éditeurs ayant publié au moins un titre dans l'année (+ 1,8 %), d'après nos données Livres Hebdo/Electre data services. Ensemble, les 10 groupes d'édition les plus productifs ont publié à eux seuls l'an dernier 37,8 % des 67 942 nouveautés et nouvelles éditions de l'année, soit 25 670 nouveaux titres, contre 25 343 en 2017 (37,2 % de la production). Cette légère progression s'explique principalement par des changements de périmètres, avec en particulier l'intégration de Jouvence et de Leduc.s chez Albin Michel, mais aussi le rachat de La Plage par Hachette ou encore le développement des Editions de l'Observatoire au sein d'Humensis. Au-delà, les maisons développant ou restreignant leur production se recrutent dans toutes les catégories, sans distinctions majeures. Mais les éditeurs affichant une production annuelle supérieure à 200 nouveautés et nouvelles éditions sont, globalement, ceux qui ont fait en 2018 le plus d'efforts pour modérer ou restreindre le nombre de leurs titres. F. P.