Sotie/France 16 janvierLouis-Henri de La Rochefoucauld

En mars 1966, en pleine Beatlemania, les Fab Four débarquant à New York afin de (re)conquérir l'Amérique, John Lennon déclara, triomphant : « Aujourd'hui, nous sommes plus populaires que Jésus. » Mégalomanie, provocation, abus de substances illicites ? Les trois ? Dans la même interview, il ajoutait : « Le christianisme s'en ira. Il s'amenuisera et s'effacera. » Ce qui lui valut nombre d'ennuis avec les ligues de vertu et les Eglises, si puissantes outre- Atlantique. Lennon a dit pas mal de bêtises, mais celle-là a prouvé que, côté prophète, il avait des progrès à faire. Et c'est Malraux qui a eu raison, même si sa phrase, souvent citée, est en général sortie de son contexte, prédisant, pour le XXIe siècle, le grand retour du religieux.

C'est ce point de départ, plutôt sérieux, qu'a choisi Louis-Henri de La Rochefoucauld pour son nouveau roman, lequel se veut une « sotie », donc une fausse galéjade, où l'auteur joue avec la complicité de son lecteur. Il imagine un certain Louis de Calville, né en 1985, rejeton d'une illustre famille aristocratique, fils de comte BCBG très « tradi ». Mais branché tout de même puisque Louis est critique de rock, et taquine lui-même la muse : il a sorti deux albums avec un groupe, The Trocaderos, deux bides, s'est lancé dans l'électro sous le pseudo de DJ Clovis, puis a persisté sous le simple nom de Clovis, sans plus de succès. Il déprime un peu, et galère au point de devoir regagner le bercail familial, tout comme son frère aîné Alexis, chômeur avec ses jumelles à charge.

Il a quand même son métier, qui lui permet quelques belles rencontres, Philippe Manœuvre, Christophe, Katy Perry, Thérèse ou les Brigandes (interviews plus ou moins recyclées de Technikart, où La Rochefoucauld travaille pour de vrai), d'assister à quelques grands concerts (U2 au Stade de France ou Phoenix à Bercy) et de cracher son venin sur toute une « jeune » chanson française qu'il déteste : Bénabar ou Vincent Delerm, des « endives », ou encore Benjamin Biolay, sa bête noire : « stakhanoviste du sirupeux », « mélodiste médiocre, parolier pataud, arrangeur aléatoire et surtout producteur extrêmement brouillon ». Jaloux, va !

Il a aussi quelques copains, comme Arnaud Josselin, critique au magazine Ligne claire (au bord du naufrage), qui a toujours défendu The Trocaderos, ou Jacques, ancien du groupe, ex-fêtard et croyant résolu, qui se fait ordonner prêtre en la cathédrale Notre-Dame. Louis assiste à la cérémonie, au cours de laquelle Jésus en personne lui parle. « Va créer la pop apostolique, et boute les athées hors du rock », lui dit-Il en substance. Notre ami va désormais se consacrer à ce noble apostolat, avec succès cette fois, et ridiculisant un peu plus Lennon.

La boucle est bouclée, le roman aussi, où l'on ne manquera pas de trouver quelques analogies entre Louis-Clovis et Louis-Henri, lequel en joue avec cette fausse désinvolture qui fait son charme. Pour ceux qui apprécient. Les autres, surtout les fans de Biolay, s'abstenir.

Louis-Henri de La Rochefoucauld
La prophétie de John Lennon
Stock
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 19,50 euros ; 288 p.
ISBN: 9782234084414

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