Depuis son accident, Maud a le regard vide. Sa cécité la plonge dans le noir au propre et au figuré. Liber est le seul camarade de classe qui vient encore la voir. Une demi-portion pas plus haute que trois pommes, même si officiellement il affiche 16 ans comme Maud. Il est comme un gamin qui a peur de vivre une histoire d'amour avec une copine "normale". Maud est la seule avec qui il ose... Loin d'être dupe, la jeune fille l'accueille à coups de "Tu me reluques ? Fous le camp !". Il en faut davantage à Liber pour le décourager. En guise de riposte, il lui balance qu'elle a les cheveux "dégueulasses" et qu'il en a marre de la voir inerte sur son lit, comme une "bûche". Gonflé à bloc, tous les jours il lui propose de nouvelles activités, plus adaptées à son handicap les unes que les autres : cinéma, parties de ping-pong, longues balades en tandem... Devant l'inventivité joyeuse de Liber pour la tirer de sa nuit, peu à peu Maud se laisse apprivoiser. La vie montre à nouveau le bout de son nez, avec force grands fous rires et petits baisers tout aussi fous. Seulement voilà, Liber en pince tellement pour sa dulcinée qu'il n'a plus qu'une idée en tête : lui faire l'amour. Jusqu'au jour où celle-ci arrête leur tandem en plein élan et demande à son ami de ne plus venir la voir pendant deux mois. Un diktat dans lequel Liber voit une épreuve pour chevalier de conte de fées. Il est loin de se douter que Maud songe à mettre fin à ses jours...
Bourré de vitalité et de désinvolture, ce roman évite tous les écueils d'un sujet douloureux. Pourtant les deux jeunes protagonistes n'esquivent jamais l'âpre vérité. Liber se dit qu'"il peut encaisser les horribles cicatrices rouges et boursouflées de Maud. Mais il ne peut supporter la disparition de son regard". De son côté, Maud invective Dieu : "Espèce de sourd-muet à la con, dis-moi pourquoi je suis aveugle." La lucidité et la maturité de Maud, l'optimisme de Liber vont les conduire à trouver un passage dérobé dans le labyrinthe du malheur. Nadia Marfaing, professeure d'histoire-géographie qui signe ici son premier roman de littérature jeunesse, a réussi ce tour de force de livrer, à partir d'une histoire qui s'annonçait triste, un récit taillé dans une plume finaude et acérée où fusent à la fois la tendresse et les noms d'oiseaux...