Disparition

Le comédien Michel Piccoli fuit les choses de la vie

Michel Piccoli, comédien français.

Le comédien Michel Piccoli fuit les choses de la vie

Allary éditions et Favre publieront fin mai deux biographie du comédien. Grasset avait édité il y a cinq ans un livre d'entretiens avec Gilles Jacob.

Par Vincy Thomas
Créé le 25.05.2020 à 11h54

Un géant de l’écran et des planches est mort ce matin. Michel Piccoli, monstre sacré  durant 70 ans, est décédé le 18 mai à l’âge de 94 ans.

Comédien fétiche de Claude Sautet et Luis Buñuel, inoubliable séducteur dans Le Mépris de Jean-Luc Godard, passant du cinéma italien (La grande bouffe) à Alfred Hitchcock (L étau), du portugais Manoel de Oliveira à l’égyptien Youssef Chahine, cette insatiable curieux a joué des salauds comme des sympas, des romantiques comme des grandes gueules, des tragédies comme des comédies. Dans sa riche filmographie, on soulignera entre autres Compartiments tueurs, Le doulos, Les demoiselles de Rochefort, Belle de jour, Les choses de la vie, Les noces rouges, César et Rosalie, Vincent François Paul … et les autres, Sept morts sur ordonnance, Le saut dans le vide, Le prix du danger, La diagonale du fou, Mauvais sang, Milou en mai, La belle noiseuse, La petite Lili...

Au théâtre, passant de Pirandello à Claudel, de Racine à Strindberg, de Molière à Tchekhov, de Marivaux à Koltès, il avait brillé en 2006-2007 en inoubliable Roi Lear, de William Shakespeare. Michel Piccoli avait fait sa dernière apparition sur les planches avec Par cœur, dont le texte autobiographique signé par Gilles Kneusé (Mauconduit, 2018) retrace la manière dont l'auteur, ancien chirurgien reconverti à la comédie, accompagne un comédien célèbre souffrant de pertes de mémoire.

Quatre livres

Comédien magistral, proprement cinégénique, l'une de ses dernières incarnations fut celle d'un pape dans Habemus Papam, de Nanni Moretti. « Michel, c'était l'art du comédien : la classe, l'élégance et la pudeur, la tendresse et l'extravagance, la fraîcheur de ceux qui ont gardé leur âme d'enfant. Il représentait aussi la cocasserie. L'envie de surprendre et de laisser germer ce grain de folie qui font les très très grands », a souligné Gilles Jacob dans son hommage. L’ancien président du festival de Cannes avait écrit un livre d’entretiens avec l’acteur, J’ai vécu dans mes rêves, paru en 2015 chez Grasset.

Pudique et discret, Michel Piccoli, né le 27 décembre 1925 d’un couple de musiciens, se livrait peu. Quelques ouvrages ont retracé sa carrière. Initialement prévu fin mars, Allary éditions publiera le 28 mai la biographie sur le comédien d’Anne-Sophie Mercier, journaliste au Canard enchaîné, Piccoli : derrière l’écran. Favre publiera le même jour Michel Piccoli, les choses de sa vie, de Philippe Durant. On trouve encore en librairie la biographie de Jacques Zimmer, Piccoli, grandeur nature, paru aux éditions Nouveau Monde en 2008.

Michel Piccoli a tourné plus de 150 films, obtenant des prix d’interprétation dans les grands festivals (Cannes, Berlin, Locarno), mais n’ayant jamais reçu aucun César. « Je choisis les auteurs ou les textes ou les metteurs en scène, mais les rôles, ça m'est tout à fait égal », disait Michel Piccoli lors d'une interview télévisée en 1970. Dans un récent entretien, il rappelait que l’ « acteur n’existe que dans le regard des autres ». Pour lui, « Quand on joue la comédie, il faut arriver à faire les choses même parfois les plus extravagantes mais qui puissent paraître évidentes ».

Il avait réalisé trois longs métrages, mis en scène une pièce de David Mamet, et même repris la chanson de Boris Vian, Le déserteur, dans un album hommage à Serge Reggiani. Travailleur rigoureux, acteur précis, il était un citoyen actif face aux soubresauts de la société, tout en revendiquant un droit à la tranquillité. Il concevait le cinéma comme un miroir devant traduire le chaos et la folie du monde. Ce qui le rendait insaisissable et lui a permis de traverser les époques et les styles avec appétit.
 

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