Dossier Papeterie carterie

Librairie : laissez parler les p’tits papiers

Olivier Dion

Librairie : laissez parler les p’tits papiers

Les difficultés qu’elles rencontrent sur leur marché traditionnel incitent les librairies à diversifier leurs activités. Proches du livre, la papeterie et la carterie apparaissent comme des compléments naturels pour attirer de nouveaux clients et améliorer la marge.

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Par Mylène Moulin,
Créé le 11.10.2013 à 19h29 ,
Mis à jour le 09.04.2014 à 17h41

Un espace bistrot, des ustensiles de cuisine ou de jardinage, des cours de couture ou encore des ateliers d’origami. En librairie, les temps sont à la diversification. En cette période de crise, l’objectif affiché est clair : faire revenir les clients. A tout prix ? « Non, répond-on à la Sofédis, qui diffuse le fameux petit carnet Moleskine. Si le temps de l’intégrisme de la librairie est bel et bien révolu, les professionnels cherchent à proposer une offre complémentaire au livre en rapport avec leur public et en cohérence avec leurs rayons. » Proches de l’objet livre et liées aux pratiques d’écriture et de lecture, la papeterie et la carterie se présentent souvent comme la solution la plus naturelle à ceux qui souhaitent diversifier leurs activités. Longtemps assimilée à de « l’épicerie » préjudiciable à la réputation des librairies, la papeterie a redoré son blason avec des arguments chocs : une marge importante (voir encadré p. 67), un fort pouvoir d’attraction et peu de concurrence sur Internet. Mieux : elle permet à la librairie de se positionner en acteur indispensable du tissu local.

« Chez nous, la papeterie, c’est comme l’eau dans les supermarchés, elle est tout au fond mais ça marche. Les clients viennent faire leur marché chez nous parce qu’ils en ont pris l’habitude », explique Léa Santamaria, de la librairie Libres Champs, à Paris, qui a consacré la moitié de sa surface à la papeterie, dont elle tire 50 % de son chiffre d’affaires. Tous l’ont bien compris : la Fnac, Gibert Joseph, Le Furet du Nord comme Dialogues à Brest, Sauramps à Montpellier, Grangier à Dijon ou L’Arbre à lettres à Paris font désormais rimer livres et papeterie. Vendre des cahiers et des stylos est même devenu une condition de survie pour beaucoup de librairies de deuxième niveau. « Nous ne pourrions pas vivre seulement avec le livre, admettent Patricia Cavallin et Claire Vincent, de la librairie Vents de terre, à Brest. N’oublions pas que nous réalisons près de 30 % de notre chiffre d’affaires en papeterie. » Pour les librairies jeunesse aussi, il s’agit d’un complément indispensable : « 100 % de nos clients ont besoin de feuilles, de crayons, de fournitures, etc. », rappelle la responsable de L’Emile, qui, dans le 15e arrondissement de Paris, réalise 200 000 euros de chiffre d’affaires par an en papeterie.

 

Scolaire ou haut de gamme ?

 

Faute d’espace, le libraire doit généralement choisir entre la papeterie scolaire ou la papeterie d’ambiance. Tandis que la première répond à une demande ponctuelle, la seconde est de l’ordre de l’achat d’impulsion. Pour l’une comme pour l’autre, il y a des règles à respecter pour le bon fonctionnement d’un rayon. « Ceux qui souhaitent se positionner sur de la papeterie classique doivent investir sur un rayon complet qui inclut les articles comme le Scotch, la colle, les règles, les classeurs, etc. », conseille Guillaume Nusse, le P-DG de Clairefontaine. L’important, avant de se lancer, est d’adapter son offre à sa zone de chalandise. Ainsi, pour les librairies jeunesse, il sera judicieux d’avoir en stock des produits de dépannage en papeterie courante (Clairefontaine, Oxford, Quo Vadis, Bic), ainsi que des articles répondants aux goûts des jeunes et aux modes en vogue dans les cours d’écoles ou de collèges, comme les licences ou les illustrateurs jeunesse.

Quant aux librairies généralistes, elles auront tout intérêt à se positionner sur la papeterie fantaisie, avec un assortiment de qualité, voire haut de gamme, pour se distinguer de la grande distribution. Et, pourquoi pas, à se spécialiser dans la carneterie avec des marques tendances comme Moleskine, Mark’s et Lamali, ou dans le stylo de luxe avec Lamy ou Faber Castell. « Les librairies doivent choisir des produits à forte valeur ajoutée pour se différencier de ce qui est disponible dans les grandes surfaces, explique-t-on au service communication de Pentel. Proposer une offre suffisamment diversifiée et “tendance? devient incontournable. Cela permet de drainer une clientèle plus jeune dans les points de vente et de donner une image valorisante du magasin. »

 

Créateurs d’images

 

Même si l’activité papeterie demande au libraire un travail supplémentaire dans un emploi du temps déjà surchargé, c’est aussi un moyen de se faire plaisir en allant faire son marché sur les salons de papeterie ou en se laissant guider au coup de cœur. Ils peuvent d’ailleurs désormais compter sur une génération de papetiers ou d’éditeurs qui bousculent les codes de l’offre traditionnelle en imaginant de nouvelles formes et surtout de nouveaux contenus. C’est le cas notamment de fournisseurs comme les éditions des Correspondances, Atomic soda ou encore Blue art, qui déclinent les univers colorés, poétiques, féroces ou sucrés d’illustrateurs dans le vent comme 100Drine, Annelore Parot, Lilidoll ou Cécile Veilhan. Fondée en 1992 près de Nantes, la maison d’art Blue art compte par exemple 20 photographes et 50 peintres sous contrat d’édition. Son offre de papeterie, qui se décline en carnets, cahiers, répertoires, calendriers, agendas et cartes simples ou à thème, vient de s’enrichir de pots à crayons, blocs cubes, et cadeaux du type albums photos. Fraîches, soignées et à l’ADN résolument artistique, les créations de Blue art sont signées par des artistes qui ont pour la plupart déjà publié des ouvrages. « La mode est depuis quelques années aux illustrateurs : il y a de plus en plus de jeunes artistes qui percent dans le milieu de l’édition, explique Olivier Goubault, le fondateur de Blue art. Faire de la papeterie avec ces gens-là, c’est contribuer à diffuser leur travail. Placer des gammes qui portent leur signature dans une librairie, ça a un vrai sens. »

 

Offre à la carte

 

L’option carterie est aussi un bon moyen pour le libraire de s’ouvrir en douceur à une activité de papeterie. A la librairie Comme un roman, à Paris, Karine Henry a trouvé dans ce rayon « une marge de manœuvre importante, un levier non négligeable pour augmenter les profits ». Car même si la France continue d’être un petit consommateur de cartes (7 par an et par personne, contre 54 en Grande-Bretagne et 40 aux Etats-Unis), le marché reste stable. « Achat plaisir ou achat utile, les cartes de vœux sont ancrées dans les habitudes de consommation des Français, et plébiscitées comme le meilleur moyen de faire passer des émotions. Un sondage éditions Yvon/GFK ISL, fin 2009, a fait apparaître que pour près de 70 % des Français, c’est le support privilégié face aux moyens numériques », explique l’Union professionnelle de la carte postale (UPCP). Selon l’UPCP, en 2012, les ventes ont représenté 402 millions d’euros, en baisse d’à peine 0,5 % par rapport à l’année précédente.

Mastodonte du secteur, La Carterie SAS, propriétaire des marques Yvon, Hallmark et Nouvelles Images, réalise 45 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le reste du marché est partagé entre les autres éditeurs spécialisés comme Editor et sa marque éditions du Désastre, les éditions du Tonnerre, les éditions Braun, les autres fabricants de papeterie et quelques éditeurs d’art dont le plus important est la RMN. La moitié des ventes sont réalisées par les fournituristes, les grandes surfaces culturelles et les librairies-papeteries-presse.

 

Flashy, humoristique, traditionnelle ou kitch ?

 

Produit d’appel, la carterie offre au libraire une marge confortable avec des coefficients entre 2,5 et 4. Mais une question se pose avant de se lancer : quel assortiment proposer ? Sachant que 74 % des acheteurs sont des femmes, beaucoup optent pour des gammes de cartes dites « féminines », avec des motifs floraux ou poétiques. Dans le but de conquérir de nouveaux publics et de séduire de nouveaux distributeurs, les éditeurs de carterie ont depuis quelques années amorcé un mouvement de rénovation de l’image de la carte postale en montant leurs propres studios de création afin de renouveler l’offre. L’achat de cartes postales étant un achat d’impulsion, ils ont misé sur les tendances de consommation : mode, décoration et mouvements artistiques dans l’air du temps. A la librairie Les Cordeliers, à Romans-sur-Isère (26), les libraires ont choisi des modèles adaptés à la demande des clients. En un mot : tout sauf ce qui se fait dans les bureaux de tabac. On y trouve les cartes déjantées des Suisses Plonk et Replonk, les univers rétro de Côté Bord’eau, les paysages de l’artiste Fabienne Collet, les cartes postales jeunesse de Titi Pinson. « Au départ, nous n’avions qu’un présentoir avec des photographies de Jean Delmarty, un artiste du coin dont le travail nous plaisait. Nous n’avions pas vraiment envie de vendre des cartes, car nous souhaitons donner la priorité au livre », expliquent les libraires François Reynaud et Olivier Badoy. Démarrée pour attirer les clients, l’activité carterie est venue répondre à une demande et fait partie de l’identité des Cordeliers. Aujourd’hui, la petite librairie vend environ 110 cartes de Jean Delmarty tous les mois et demi, compte cinq présentoirs de cartes et, depuis peu, un autre dédié aux marque-pages. <

Librairie : ce qu'il faut savoir pour se lancer

1. Huit familles de produits - L’Union de la filière papetière (Ufipa) dénombre huit familles de produits : le papier, les façonnés, les outils pour écrire et corriger, le dessin et les loisirs, les outils de classement, le matériel pour le bureau et l’école, les consommables bureautiques et la carterie.

2. TVA - Contrairement au livre, la papeterie et la carterie ne relèvent pas d’un taux réduit ou particulier : ils sont passibles d’une TVA à 19,6 %.

3. Compte ferme et retours - La plupart des papetiers ou des grossistes en papeterie (du type RP Diffusion) appliquent le principe des achats à compte ferme. C’est aussi le cas de Moleskine, diffusé par la Sofédis. Les éditeurs traditionnels, en revanche, appliquent généralement le régime du livre.

4. Délais de paiement - La papeterie n’a pas échappé à la loi de modernisation de l’économie qui prévoit que le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser 45 jours fin de mois, ou 60 jours calendaires à compter de la date d’émission de la facture.

5. Calcul de la marge - Sur les articles de papeterie, le prix professionnel peut être multiplié par 2,5, et jusqu’à 4 dans le cas de la carterie. Cela offre au libraire une marge confortable. Il peut ainsi décider par exemple de baisser sa marge sur un objet pour en faire un produit d’appel.

6. Penser la présentation - La papeterie nécessite le plus souvent une PLV pour être bien mise en avant et marquer la frontière avec le livre. De nombreux fournisseurs de papeterie offrent les présentoirs et tourniquets livrés parfois avec un plannogramme d’implantation. <

Quand les éditeurs deviennent papetiers

 

La frontière entre librairie et papeterie est de plus en plus poreuse, au point que, après s’être attaqués aux agendas et calendriers, les éditeurs n’hésitent plus à lancer des gammes de carnets, cahiers, papiers à lettres ou blocs-notes.

 

Photo OLIVIER DION

Les éditeurs ont fait une entrée progressive sur le marché très concurrentiel de la papeterie. Ils se démarquent aujourd’hui avec des produits en moyenne moins chers que ceux des papetiers. Pionnier sur le segment, Le Chêne a démarré une activité de papeterie dans les années 1980 autour des travaux de la dessinatrice Marthe Seguin-Fontes, avec une production de papier à lettres, agendas, coffrets d’écriture traditionnels, etc. « Nous devons constamment innover, créer une offre qui n’existe pas et nous concentrer sur des produits ludiques, utiles et pratiques, perçus comme de parfaits petits cadeaux », explique Fabienne Kriegel, la directrice générale de la maison, qui a développé depuis plusieurs gammes dont « Les cahiers pratiques du Chêne », des blocs-notes thématiques ainsi qu’une série dérivée de la collection « D’Art d’art ». En 2013, Le Chêne a axé son travail autour de « livres à remplir », avec des albums photos, des livres d’or et un carnet du gastronome prévu à la rentrée.

Egalement présent sur le secteur depuis neuf ans, Hugo & Cie a commencé en déclinant des titres de son catalogue. « Nos produits ont trouvé assez rapidement un écho auprès des libraires même si, à l’époque, ils étaient beaucoup moins réceptifs à la diversification », note Hugues de Saint-Vincent, son directeur général. Aujourd’hui, l’éditeur réalise 30 % de son chiffre d’affaires grâce à la papeterie et constate que les ventes s’équilibrent entre les librairies, les GSS et la grande distribution.

 

 

Fidéliser les lecteurs.

Pour beaucoup d’éditeurs jeunesse ou de pratique, la papeterie est devenu un outil communautaire : Gautier-Languereau a fait par exemple un tabac avec ses articles signés Rebecca Dautremer ou Eric Puybaret. D’autres, comme Gallimard Jeunesse, profitent d’événements pour lancer quelques one-shot comme ses carnets façon Moleskine lors de la sortie du film Harry Potter en 2011. Chez Marabout, la production est aussi liée au développement d’univers comme celui des Paresseuses. « On a commencé par lancer un agenda pour faire plaisir à notre club de lectrices, puis on a continué en exploitant l’identité graphique avec des produits de papeterie qui n’avaient pas forcément vocation à s’installer dans la durée mais qui ont bien marché », détaille Hélène Gedouin, directrice éditoriale de Marabout.

 

Chez Larousse, l’activité est récente : ces deux dernières années, l’éditeur a lancé une gamme de blocs à messages, un petit kit de survie au bureau et ses Chéquier spécial couple ou Chéquier spécial copine. « Toute cette offre est additionnelle, elle nous permet de tester des choses, de voir ce qui prend ou pas, explique la directrice éditoriale Catherine Delprat. C’est l’occasion de faire des produits plus légers même avec du contenu. Notre objectif est de ne pas envahir le marché avec des articles parasites mais nous nous faisons plus présents sur le secteur, même si cette activité reste à la marge chez nous. »

 

 

Bulles de créativité.

Parce qu’elle est régie par des contraintes variées et complexes de fabrication, la papeterie permet aux éditeurs de livres de travailler d’autres produits que le livre. « C’est un tout autre métier où l’effort est centré sur la dimension artistique du produit. C’est une sorte de bulle de créativité pour le service fabrication, qui peut réfléchir à des formes plus originales que le livre afin de construire des objets novateurs dans l’air du temps », souligne Fabienne Kriegel, au Chêne. Observateurs privilégiés des tendances, les éditeurs utilisent leur connaissance du marché du livre pour réinventer des classiques de la papeterie comme l’agenda ou le calendrier.

 

Chez Marabout, par exemple, où l’organisation familiale est un thème du catalogue, c’est aussi l’un des axes de développement de la gamme de papeterie. Calendriers, éphémérides, cahier de la nounou, etc. La maison d’édition propose des outils « complets et complémentaires de nos livres sur la santé, l’éducation et l’enfance », explique Hélène Gedouin. De son côté, Larousse vient aussi de publier son calendrier de la famille bien organisée. Un filon exploité également par Le Chêne, qui annonce pour 2014 la parution de ses traditionnels agendas familiaux avec une nouveauté : l’agenda familial des grands-parents. <

"Les papetiers ont besoin des libraires"

Au cours des cinq dernières années, les ventes du secteur de la distribution d’articles de papeterie ont diminué en volume. Fortes de leur puissance d’achat qui leur permet de proposer les articles à des prix défiant toute concurrence, les grandes surfaces (GSA et GSS) ont petit à petit grignoté des parts de marché. Toutefois, les fabricants continuent d’écouler 60 % de leur production dans le commerce de détail, assurant avoir besoin des librairies. « En vingt ans, les papeteries de quartier ont disparu des centres-villes, et nous avec. Nous sommes à la recherche de nouveaux points de vente : décoration, textile, fleuristes. Mais les libraires restent nos meilleurs relais dans les réseaux de proximité même si la part des ventes y est marginale », explique Guillaume Nusse, P-DG de Clairefontaine-Rhodia. La présence d’un vendeur sur place permet souvent aux clients un meilleur guidage à travers une offre qui peut parfois désorienter lorsqu’elle est proposée en libre-service. « L’atout principal des librairies réside dans leur image de conseil », poursuit Guillaume Nusse, qui rappelle que la réussite de l’implantation de la marque Clairefontaine à l’étranger est en partie due aux librairies francophones, qui assument un rôle de passeur de la marque.

Pour les fabricants de stylos comme Pentel, Bic ou Pilote, les librairies sont des lieux de test pour leurs nouveaux produits. « Elles proposent souvent une gamme de couleurs plus large qu’en grande surface, des articles plus techniques, notamment en dessin, et n’ont pas peur des nouveautés qui allient qualité et innovation. L’absence de packaging sur les stylos est aussi un avantage car les clients peuvent les manipuler », analyse la responsable du service de communication de Pentel. Mais hormis les marques diffusées par des spécialistes du livre comme Moleskine (voir p. 69), la plupart des acteurs du secteur de la papeterie n’accordent pas une attention spécifique aux libraires. Ils les démarchent, mais sans zèle ni équipe commerciale. « La librairie en soi n’est pas un axe de travail en particulier. Nous considérons les libraires comme des revendeurs comme les autres, même si nous avons conscience de leur singularité », indique-t-on chez Pentel. Confrontés eux aussi à la crise qui touche tous les produits papier, les fabricants cherchent avant tout à vendre en masse. Difficile parfois pour les librairies de respecter les volumes de commande imposés par les spécialistes. <

Jamais sans mon Moleskine !

Le même carnet qu’utilisait Hemingway, Van Gogh, Matisse ou Mallarmé… C’est l’argument de choc que Moleskine a employé pour séduire des générations d’amoureux de littérature, d’artistes en herbe ou d’âmes voyageuses. Devenu mythique en l’espace d’une quinzaine d’années, son petit carnet noir n’a pourtant pas été réellement utilisé par ces créateurs de légende. Déposée en 1998 pour la première fois par l’entreprise italienne Modo & Modo, la marque Moleskine tire son nom de mole skin (peau de taupe), un coton vernis qui recouvrait des carnets que l’écrivain britannique Bruce Chatwin évoque dans son roman Le chant des pistes. Mais qu’importe : grâce à cette petite supercherie marketing, la marque s’est imposée comme la préférée des bobos et des artistes en tout genre. Un succès tel que la société milanaise créatrice du produit a été rachetée en 2006 par SG Capital, un fonds d’investissement de la Société générale, avant d’entrer en Bourse à Milan en avril dernier. En 2012, l’entreprise a vendu 13 millions de produits dans 90 pays, et affichait un résultat net de 19,7 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 78 millions. Plutôt cher (entre 11 et 16 euros le format de poche), le carnet Moleskine classique noir ou rouge n’est pourtant distribué que dans les musées, les magasins branchés et les librairies, qui captent environ 60 % des ventes.

 

Merci la librairie

Présentoirs griffés, bandeaux appliqués comme sur les romans : le petit carnet a été positionné dès son lancement comme un produit culturel, « un livre qui reste à écrire ». Diffusé en France par la Sofédis, il est présenté aux libraires avec une remise de 45 %. Les achats se font à compte ferme mais avec la possibilité de commander de petites quantités. « C’est un produit valorisant pour la librairie, et notre fonctionnement permet de commencer l’activité avec des basiques puis de tester ensuite d’autres produits à petite dose », estime-t-on à la Sofédis. Après une première phase d’implantation de présentoirs classiques, la Sofédis est passée à la vitesse supérieure en proposant aux plus gros points de vente des îlots Moleskine (120 × 80 cm). Désormais installés dans une cinquantaine de grandes librairies, ces petits meubles qui présentent près d’un millier de volumes ont permis d’asseoir la marque. Récemment, un nouveau cap a été franchi avec l’implantation de linéaires complets de 4 mètres dans les Fnac Forum et Montparnasse, à Paris. La prochaine étape sera le développement de l’offre dans les Relay, où seront mis en place des univers Moleskine avec des carnets, des stylos et des accessoires pour Ipad. Ce nouveau concept, déjà testé à l’aéroport d’Orly et à la gare de Metz, devrait bientôt être mis en place à Roissy Charles-de-Gaulle. Face au succès remporté par le petit carnet noir, Moleskine a peu à peu amplifié sa gamme de produits : carnets de voyage, accessoires de lecture, bagagerie. A l’été 2013, la marque s’est mise à la couleur en développant une gamme de carnets flashy. Il est donc désormais possible d’assortir son Moleskine à son slim. <

Un enjeu majeur pour les librairies des Musées

Dans les librairies des musées, les produits de papeterie font l’objet d’une attention particulière. « La papeterie et le livre sont des articles complémentaires, leur présence conjointe est nécessaire dans nos points de vente, explique Virginie Perreau, chef de département des grands sites de la RMN. Les objets de papeterie achetés comme souvenirs sont des traits d’union entre les ouvrages vus comme des produits d’approfondissement et l’œuvre. » Au musée d’Orsay, les images assurent 30 % du CA de la librairie. La proportion est la même dans les librairies Flammarion du Centre Pompidou de Paris et de Pompidou-Metz. « La production et la mise en place s’adaptent aux types d’expositions et la demande est variable selon le public », constate Olivier Place, directeur des sites. L’exposition Roy Lichtenstein a donné lieu à une pluie de produits dérivés. Par un contrat avec le Centre Pompidou, les librairies se sont engagées à ne vendre que des produits dérivés de l’écriture : cahiers, crayons, calepins ludiques de Chronicle Books, agendas design, carnets de croquis et d’aquarelle, Moleskine, « Nanoblocks » et « Puzzle notebook » de Mark’s, etc. Si la papeterie remporte un franc succès, les cartes postales représentent l’essentiel des ventes : 1 500 à 2 000 exemplaires s’écoulent quotidiennement dans chaque point de vente.

Dans les boutiques de la RMN, l’offre se limite aux œuvres représentées dans les collections du musée du Louvre et du musée d’Orsay, et les grandes expositions organisées dans les musées nationaux. « Notre papeterie a une dimension représentative, presque scientifique, explique Virginie Perreau. Nous sommes donc obligés de produire nous-mêmes carle gros de la production proposée par les papetiers et les "cartiers" est composé de best of d’œuvres. » Affiches, cahiers et carnets, cartes postales, chemises et sous-chemises, magnets, calendriers et agendas, posters… La RMN produit une grande partie de ses articles de papeterie en interne. Pour la carterie, la RMN a récemment mis en place un système d’impression à la demande à la librairie-boutique d’Orsay et sur son site de vente en ligne. Les clients peuvent ainsi choisir une image parmi une sélection de 500 œuvres d’art conservées dans les musées nationaux français et provenant de l’Agence photographique de la RMN-Grand Palais, la commander et la recevoir à leur domicile au format souhaité. De la papeterie à la carte. <


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