Les prémices du printemps ? Malgré un marché toujours bien plat, des signes de renouveau percent ici ou là. Dopés malgré tout par la présence des lecteurs aux rendez-vous qu’ils leur donnent, que ce soit au Salon du livre de Paris ou à Quais du polar à Lyon, les éditeurs semblent bien décidés à quitter l’attentisme inquiet endossé en 2013 pour aller de l’avant.

"La vie traditionnelle du livre, c’est fini !" s’écrie joyeusement Anna Pavlowitch chez J’ai lu, dans notre dossier Poche. Ce secteur donne des exemples marquants de cette nouvelle "positive attitude". Adoptant les principes énoncés dans les best-sellers qu’ils publient, les éditeurs de poches, qui se sentaient l’année dernière les premiers menacés par l’essor du numérique, prennent leur destinée à bras-le-corps et n’hésitent plus à inventer. Eux qui étaient devenus les as de la réédition se lancent massivement dans l’inédit, quitte à bouleverser les règles les mieux établies du secteur. Au Livre de poche, Audrey Petit paraît ainsi bien décidée à faire de ce format une nouvelle plateforme d’expression au service des auteurs, sans craindre d’expérimenter.

Ce besoin de se frotter à d’autres réalités apparaît dans la nouvelle attirance des éditeurs pour la culture urbaine et l’univers du rap. Oxmo Puccino en est à son deuxième ouvrage, La Fouine a déjà vendu son autobiographie à 13 000 exemplaires et Booba est publié dans La NRF… Là encore, l’audace est payante. C’est aussi la leçon que tire Ahmed Agne, le jeune patron de Ki-oon, société d’édition de mangas, passée en à peine dix ans de l’appartement d’un HLM de Trappes à 230 mètres carrés dans le 9e arrondissement de Paris, avec 15 salariés et 4 millions d’euros de chiffre d’affaires.

L’adversité va peut-être permettre au monde du livre de renouer avec la créativité et la hardiesse qu’il a connues en d’autres temps. Saluons en cela la mémoire de Régine Deforges, éditrice iconoclaste que la menace d’un procès n’a jamais dissuadée de faire un pied de nez à l’establishment.