Alain Demurger a passé sa vie dans les ordres religieux et militaires. Les chevaliers, qu'ils soient templiers, hospitaliers ou teutoniques, n'ont pas de secrets pour lui. Cet ancien enseignant à la Sorbonne a déjà publié plusieurs ouvrages sur ces sujets, dont un excellent Chevaliers et chevalerie expliqués à mes petits-fils (Seuil, 2009), et il a contribué au formidable Prier et combattre : dictionnaire européen des ordres militaires au Moyen Age (Fayard, 2009). Voici donc moins une synthèse - au-delà de 500 pages, le terme est inapproprié - qu'un bilan de quelques décennies de travail.
Alors, oui, pour tous ceux qui s'intéressent à ces chevaliers de la foi, le Demurger est une mine. L'homme est prêt, s'il le faut, à compter les habits et les croix. Bref, il ne manque rien dans l'évocation de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, devenu après quelques péripéties l'ordre de Malte.
A l'origine donc, il s'agit d'un hôpital dans la Ville sainte pour héberger les pèlerins venus prier sur le tombeau du Christ. Puis, l'ordre se militarise et devient un instrument de la croisade jusqu'à la chute d'Acre. Les chevaliers vêtus de noir, en signe d'humilité, font la guerre marqués d'une croix blanche aux côtés des Templiers, dont ils sont complémentaires et concurrents. Alain Demurger montre bien ce qui oppose les deux sociétés, notamment la fonction charitable du premier, et il souligne combien les Hospitaliers furent discrets pendant les procès des seconds...
En séparant l'histoire de la légende, mais en racontant aussi ces légendes pour que l'on comprenne mieux l'histoire, Alain Demurger explique les règles de l'ordre de l'Hôpital, son système hiérarchique, ses règles et son organisation centralisée. Il expose la façon dont cette identité s'est construite, détaille les relations pas toujours faciles avec la papauté, et sonde les origines de cette aristocratie chevaleresque.
Par la conquête de Rhodes au XIVe siècle, les Hospitaliers évitèrent le sort des Templiers. Ils garantirent aussi, malgré une période difficile au XIXe siècle, leur postérité en se consacrant aux fins charitables et humanitaires qui furent à l'origine de leur fondation. Avec passion, le médiéviste nous fait entrer dans un monde toujours fascinant qui a fait galoper plus d'une imagination.