Rentrée 2022

Publication des ouvrages scolaires : "des délais de plus en plus contraints"

Célia Rosentraub est présidente de l'Association des Editeurs d'Education - Photo AEE

Publication des ouvrages scolaires : "des délais de plus en plus contraints"

Retour à la normale pour cette rentrée scolaire 2022 qui s'effectue dans un creux de réformes éducatives. Dans l'attente d'un ajustement des programmes de mathématiques au lycée effective à la rentrée prochaine, l'Association des éditeurs d'éducation déplore "des délais de plus en plus contraints entre la publication d’un programme et sa date d’entrée en application", par la voix de sa présidente, la directrice générale des éditions Hatier et e-Education Hachette Livre, Célia Rosentraub. 

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Par Eric Dupuy,
Créé le 31.08.2022 à 18h30

Après deux rentrées sous l'égide de la pandémie de Covid-19 qui faisaient suite à une importante réforme des programmes scolaires, les éditeurs d'éducation respirent en cette période de creux de réforme. Cependant, les sujets ne manquent pas pour leur représentant, l'Association des éditeurs d'éducation (ex Savoir-Livres) qui poursuit le développement du numérique dans le domaine et attend l'ajustement du programme de mathématiques au lycée dont la mise en application est attendue pour la rentrée prochaine. Interview bilan-perspectives avec Célia Rosentraub, directrice générale des éditions Hatier et e-Education Hachette Livre et présidente de l'organisme hébergé au Syndicat national de l'édition (SNE).

Livres Hebdo : Comment les éditeurs scolaires abordent-ils cette nouvelle rentrée après deux années perturbées par la pandémie ?

Célia Rosentraub : Dès l‘annonce de la fermeture des établissements scolaires à compter du 16 mars 2020, Les Éditeurs d’Éducation – l’association interprofessionnelle des éditeurs scolaires français – ont décidé de soutenir la continuité pédagogique en mettant à disposition gratuitement l’ensemble des manuels scolaires numériques. Traditionnellement au cœur de la relation enseignant-élève-parent, les éditeurs scolaires sont des experts de la transmission et des pratiques pédagogiques notamment grâce à leurs équipes qui ont une connaissance très fine des besoins du terrain – auteurs de manuels, délégués pédagogiques, etc. En cette rentrée 2022 post-covid et post-réforme, les éditeurs font désormais face à des difficultés communes au monde de l’édition : augmentation des coûts de fabrication, ruptures d’approvisionnement conjuguées à une morosité de l’ensemble des marchés, du primaire au lycée professionnel.

La pérennité des financements en question

Alors qu’en 2021, nous avions enregistré un rebond sur les marchés primaire et collège, liée à une prise de conscience de la nécessité de disposer de manuels pour les élèves pendant les périodes de continuité pédagogique, le constat est inverse sur cette rentrée. Sur les marchés du primaire et du collège, on assiste année après année à une réduction structurelle des investissements, d’une part des mairies pour le primaire, d’autre part du ministère de l’Éducation nationale pour le collège. Les achats de manuels ne sont financés que pendant les périodes de réforme, c’est-à-dire au mieux tous les 8 ans. Cela rend impossible les rééquipements, les changements de manuels dans l’intervalle, ce qui engendre une insatisfaction forte des enseignants et des élèves qui doivent travailler avec des manuels abîmés, périmés ou pire, sans manuel.

LH : Après les réformes de 2019-2020, comment le secteur s’adapte aux adaptations du ministère, notamment celle sur les mathématiques au lycée ?

CR : Sur la question des mathématiques au lycée, un enseignement spécifique de tronc commun en classe de première a été proposé dès la rentrée 2022 aux élèves qui le souhaitaient, à titre transitoire. Certains éditeurs scolaires proposent dès la rentrée 2022 des publications relatives à ce nouvel enseignement. Et nous attendons de nouveaux programmes pour les mathématiques au lycée, pour une mise en œuvre à la rentrée 2023. Mais le point sur lequel nous insistons beaucoup concerne les délais entre la publication d’un programme et son entrée en vigueur. En effet, nous constatons depuis quelques années, notamment lors des dernières réformes du collège et lycée en 2016 et 2019, des délais de plus en plus contraints entre la publication d’un programme et sa date d’entrée en application. Cela oblige les éditeurs à travailler dans l’urgence, ce qui n’est bien sûr pas une situation idéale pour la réflexion et la conception de ressources pédagogiques. Il faut absolument revenir au délai d’usage de minimum 12 mois entre la publication et l’entrée en vigueur du programme.

Privilégier la sobriété numérique 

LH : Quels sont les dossiers, thématiques, perspectives et enjeux pour le secteur les mois à venir ? 

CR : Le financement du numérique éducatif est un enjeu important pour notre secteur. La richesse des ressources pédagogiques existantes n’est pas toujours accessible pour les enseignants. Outre la contrainte budgétaire – le coût des ressources et le manque de budget est un des freins mentionnés par les enseignants concernant l’usage du numérique – les modalités de financement ne sont pas toujours adaptées à une hybridation des supports et à un accompagnement des enseignants. Il est important aujourd’hui que les financeurs perçoivent et soutiennent cette logique d’hybridation qui favorisera la réussite de tous les élèves. La question de la protection des données personnelles est également un enjeu important pour les données d’éducation, notamment depuis l’entrée en vigueur du RGPD en 2018.


Les Éditeurs d’Éducation travaillent avec les équipes du ministère de l’Éducation nationale à la mise en place de dispositifs qui permet d’évoluer dans un cadre responsable en matière de protection des données personnelles, notamment celles des élèves mineurs. Cela passera par exemple par l’adoption d’un Code de conduite, outil prévu par le RGPD et visant à aider les acteurs d’une filière dans la mise en œuvre des dispositions légales.
Les éditeurs scolaires sont très attentifs aux questions relatives au développement durable et à l’éco-conception. Différents leviers sont d’ores et déjà actionnés : le recours à du papier issu de forêts durablement gérées, la mise en place de format d’impression optimisé, un travail sur les routages avec la suppression du plastique, un envoi raisonné de spécimens, une opération de collecte des manuels dans les établissements, Ecogeste Lycée, etc. La réflexion doit également porter sur la sobriété numérique : les éditeurs sont en recherche constante d’économie d’énergie et mettent en place des systèmes de consultations « légères » des manuels scolaires numériques.


Enfin, les éditeurs scolaires travaillent depuis de nombreuses années sur la question de l’accessibilité. La directive européenne du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services rendra obligatoire cette mise en conformité au plus tard en 2025. Concernant les manuels et ressources pédagogiques, le chantier est immense et les maisons d’édition ont été informées et sont d’ores et déjà au travail. 

 

 

 

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