Guerre

Solidarité littéraire internationale pour le peuple ukrainien

Svetlana Alexievitch

Solidarité littéraire internationale pour le peuple ukrainien

Au milieu de l'insupportable tapage du bruit des bombes et des bottes, plusieurs grands acteurs du secteur du livre expriment leur solidarité envers les Ukrainiens et condamnent l'invasion russe qui fait entrer le Vieux Continent en état de guerre.

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Par Adriano Tiniscopa
Créé le 25.02.2022 à 19h07 ,
Mis à jour le 28.02.2022 à 16h28

Le monde est en train d'assister à une attaque, sans précédent et à grande échelle, de la Russie contre l'Ukraine, pays démocratique et indépendant. Les chancelleries européennes ont pour l'instant réagi classiquement, condamnant avec fermeté cette « agression militaire non provoquée et injustifiée de la Russie », la menaçant d'un « train de sanctions » économiques et financières qui semblent ne pas émouvoir le Kremlin. Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, a évoqué une « guerre totale » tandis que le ministre ukrainien a appelé à la mobilisation générale. Plusieurs importants ambassadeurs du monde littéraire se sont aussi exprimés en partie contre cette guerre, pour le peuple de Kiev et pour la paix.

La Fédération des associations européennes d'écrivains (European Writers' Council), la Fédération des éditeurs européens (The Federation of European Publishers), PEN International (association des écrivains internationale), l'Association des éditeurs italiens (Associazione Italiana Editori), le musée Mystetskyi Arsenal à Kiev, l'Association des éditeurs et libraires allemands avec le conseil d'administration du Prix de la paix des libraires allemands (Börsenverein des Deutschen Buchhandels), ainsi que les deux prix Nobel, Herta Müller et Svetlana Alexievitch dénoncent un acte illégal, concomitamment, expriment tout leur soutien au peuple ukrainien mais aussi à ses auteurs, traducteurs, éditeurs et libraires.

Burhan Sonmez, Président de PEN International « condamne fermement la violence déchaînée par les forces russes en Ukraine », et appelle de toute urgence à la fin de l'agression militaire de cet État souverain et indépendant. L'effusion de sang doit cesser maintenant. Nous sommes aux côtés de l'Ukraine, de nos amis de PEN Ukraine, et nous appelons le président Poutine à arrêter cette guerre immédiatement. La paix doit prévaloir. »

On peut lire sur le site également les mots du Président de PEN Ukraine, Andreï Kourkov, par ailleurs président de l'Union des écrivains d'Ukraine dont les livres sont interdits en Russie : « La guerre hybride menée par la Russie contre l'Ukraine depuis huit ans est en train de se transformer en une guerre conventionnelle, dans laquelle les victimes parmi les soldats et les civils pourraient se compter par centaines de milliers. Il ne peut y avoir d'Europe libre et sûre sans une Ukraine libre et indépendante ! »

Andreï Kourkov vient de publier Les Abeilles grises chez Liana Levi. Dans son roman, Sergueïtch et Pachka, seuls habitants d'un petit village de la zone grise, coincé entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses, s'associent malgré leurs opinions divergentes vis-à-vis du conflit. Apiculteur passionné, Sergueïtch attend le printemps pour déplacer ses six ruches dans un lieu plus calme dans l'ouest de l'Ukraine (Lire notre critique).

« La Fédération des associations européennes d'écrivains, et ses 46 membres provenant de 30 pays, soutiennent leurs collègues auteurs d'Ukraine », a déclaré Nina George, Présidente de la Fédération, dans un communiqué. Elle appelle également « tous les ministres de la Culture de tous les États-membres de l'Union européen à soutenir le peuple ukrainien, leurs confrères et consœurs auteurs en ces temps de guerre difficiles qui menacent des vies humaines. » Le communiqué dénonce également l'agression militaire de ce 24 février qui a été faite « contre la paix et toutes les valeurs démocratiques en Europe ».

La Fédération des éditeurs européens condamne aussi l'attaque russe contre l'Ukraine et reprend les mots de Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, décriant une attaque, non seulement contre l'Europe, mais « contre le monde entier ». « Nos pensées vont au peuple ukrainien et à la région, et particulièrement à nos collègues : auteurs, traducteurs, éditeurs, libraires. », explique le communiqué de la Fédération. Rappelant son enthousiasme au fait que l'Ukraine fait partie cette année des pays participants au Prix de littérature de l'Union européenne.

L'Association des éditeurs italiens a publié assez tôt un communiqué rappelant sa solidarité avec le peuple ukrainien. Rappelant également le fait que « la guerre en Europe nous ramène à des années et à des événements historiques que nous n'avons jamais voulu revivre. Aujourd'hui, plus que jamais, nous espérons que dans chaque nation s'élèvera la voix critique des intellectuels, des écrivains, des hommes de paix et du monde de la culture, afin qu'ils puissent ramener l'Europe sur le chemin de la liberté et de la coexistence. »

« L'Ukraine a le droit à la paix ! » , affirme catégoriquement dans une tribune signée hier notamment par le conseil d'administration du Prix de la paix des libraires allemands, l'Association des éditeurs et libraires allemands et la Foire du livre de Francfort : « Le conseil d'administration du Prix de la paix des libraires allemands et le fondateur du prix sont indignés par l'attaque brutale de la Russie contre l'Ukraine. Nous appelons le peuple russe et son président à mettre fin à la destruction délibérée de la paix et de la liberté en Europe. Et nous adressons des mots de solidarité au peuple ukrainien : vous faites partie d'une communauté internationale qui soutient la dignité humaine, la participation démocratique et l'égalité pour tous. Vous avez droit à la paix ! »

Le musée de Mystetskyi Arsenal, organisateur de l'International Book Arsenal Festival (qui doit se tenir normalement en mai prochain à Kiev), a également fait part de son indignation et demande aux professionnels du livre d'utiliser leur aura pour faire parler le plus possible de cette guerre. Par exemple en incluant « des informations sur la guerre russe en cours en Ukraine dans vos discussions et discours publics - lors d'événements artistiques et littéraires, de festivals, de salons du livre, d'expositions (...) ».

Les équipes du musée appellent aussi à partager deux hashtags #StandWithUkraine #SolidarityWords et « de partager publiquement les succès de la coopération avec l'Ukraine, étant donné que ces dernières années, notre pays a réalisé des progrès essentiels dans les domaines des arts et de la littérature, de la diplomatie culturelle, du partage et de la promotion des valeurs européennes. Nous souhaitons préserver à l'avenir ce vecteur important et défendre les étapes positives que nous avons mutuellement franchies. »

Le musée de Mystetskyi Arsenal rappelle dans son appel qu'« en intensifiant son agression qui dure depuis huit ans par ces actions horribles contre l'Ukraine, en envahissant le territoire ukrainien, la Russie s'attaque aux principes fondamentaux de la paix et de la sécurité internationales, aux piliers de l'ONU, à l'existence même de l'État ukrainien. C'est une guerre au centre de l'Europe, et cette guerre n'est pas seulement la nôtre, c'est une guerre contre tous les États démocratiques - le monde civilisé tout entier.

Hertä Muller, prix Nobel de littérature en 2009, et Svetlana Alexievitch prix Nobel 2015 née en Ukraine, discutaient en janvier dernier des tensions qui substistaient entre l'Ukraine et la Russie dans un entretien du Spiegel.

Hertä Muller s'exprime ainsi : « Il a déjà tenté sa chance en 2014 en Crimée et ça a marché. Il a annexé la Crimée au mépris du droit international. Il a occupé de facto une partie du Donbass – sans Poutine, il n’y aurait pas les séparatistes. Il a morcelé l’Ukraine. Tout le monde n’a que le mot “crise” à la bouche. Mais quelle crise ? Ça fait un bout de temps qu’on a la guerre en Ukraine. Huit ans ! ». Svetlana Alexievitch, dont la moitié de sa famille vit en Ukraine, rappelle : "Il est incontestable que l’homme rouge n’est pas mort, ni les dictatures."

L'entretien, traduit en français, est à retrouver dans Courrier international.

 

 

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