Beauté animale. Au commencement était le rhinocéros. Celui de la main de Pietro Longhi qui certifie qu'il s'agit bien d'un « vrai portrait de rhinocéros conduit à Venise en l'an 1751 ». Le peintre en fit plusieurs versions dont celle de la National Gallery de Londres, sans le cartouche avec la signature mais figurant toujours les élégants spectateurs masqués. Une revue avait demandé à Suzanne Doppelt d'écrire un texte sur cette toile, alliant les deux amours de l'écrivaine et photographe : les animaux et la peinture. D'autres textes sur d'autres tableaux avec motif animalier ont suivi. Puis vint l'idée de les regrouper en livre. Un beau masque prend l'air est le fruit de cette méditation sur la présence de l'animal dans des œuvres signées Dürer, Tintoret, Chardin, Corot...

Dans Le vielleur de Georges de La Tour, la mouche semble un détail dans son portrait de gueux, elle invite en fait à imaginer un autre point de vue du monde. L'insecte a « l'œil mosaïque loin de ce vieil homme assis qui n'y voit goutte ». Don Manuel, fils du comte d'Altamira, âgé de 3 ans, portraituré par Goya, est entouré d'une petite cour d'animaux de compagnie, mais nullement secondaires : pies ou pinsons parlent à sa place, à lui l'enfant en rouge au « masque de chérubin », muré dans la solitude altière de son statut. Le crâne en anamorphose aux pieds des « ambassadeurs » d'Holbein devient dans l'imaginaire de l'autrice un énorme os de seiche rongé par des rats omnivores ayant fui cette mise en scène glorieuse pour échapper à la mort à laquelle nous assigne, quoi qu'on fasse, hommes comme souris, notre condition animale.