L’égaré de Lisbonne est un roman d’aventures auquel il ne manque aucune épice : de l’action, de l’inconnu, du danger, de l’exotisme. Le Savoyard Bruno d’Halluin continue de nourrir son admiration pour les navigateurs au temps des grandes découvertes en conjuguant documentation historique et expérience de marin. Ainsi retrouve-t-on le vent vif qui portait déjà son premier livre, La Volta (Transboréal, 2003), récit de voyage tiré de sa traversée à la voile de la France au cap Horn, et son premier roman, Jon l’Islandais (Gaïa, 2010), inspiré lui aussi par un périple de l’auteur dans les mers du Grand Nord, et attaché à un personnage du XVe siècle, dernier héritier des Vikings.
La mer et sa langue sont encore omniprésentes dans ce troisième livre, mais qualifier L’égaré de Lisbonne de roman maritime serait réducteur. Récit à la première personne, il se présente comme les Mémoires de "mestre João Faras, médecin et chirurgien du roi du Portugal, cosmographe", embarqué au sein de l’armada de Pedro Alvares Cabral, partie de Lisbonne vers le sud de l’Afrique le 9 mars 1500. Il navigue à bord du bateau de Diogo Dias, frère de Bartolomeu, le découvreur du cap de Bonne-Espérance en 1488, qui trouvera la mort le 24 mai 1500 dans une tempête dantesque dont le roman livre le récit sobre et pourtant haletant.
La fiction tutoie les faits avérés (ou plausibles) : le héros, personnage "égaré" entre Moyen Age et Renaissance, Ancien et Nouveau Monde, judaïsme et christianisme, terre et mer, a réellement existé, précise Bruno d’Halluin. S’il est identifié par les historiens de "manière assez convaincante", "on ne connaît que deux documents écrits de sa main" dont une lettre adressée au roi dom Manuel, "premier document connu faisant une description de la constellation de la Croix du sud". En revanche, l’écrivain reconnaît avoir romancé la contribution de son cosmographe à La carte de Cantino, mappemonde réalisée en 1502 et aujourd’hui conservée à l’Université de Modène, l’une des plus anciennes représentations connues du monde et dont l’histoire est elle aussi pleine de pérégrinations. V. R.
