L’étonnant coup d’essai de Kiko Herrero est un voyage à Madrid, "ville sans fleuve, ville sans port, ville absurde au milieu de nulle part". Un voyage dans le temps. Vers une Espagne en noir et blanc. Une Espagne qui se "disloque". Celle de la fin des années Franco.
Le narrateur est le troisième enfant d’une fratrie de cinq. A 20 ans, papa était capitaine dans l’armée républicaine. Il est désormais médecin et fait de la recherche pour un laboratoire, YBIS, fleuron de l’industrie franquiste. Maman est une brune andalouse de Cadix, belle comme Ava Gardner.
Le gamin parle du Lycée français de Madrid, de sa maîtresse, Mme Sévère, de ses camarades. Un jour, il se fait tripoter par Don Alfonso, magistrat à la retraite. Celui-ci demande au padre Gerardo ce qu’est Dieu et se voit répondre : "Dieu est un anneau. Il n’a ni début ni fin."
Autour du garçon qui garde les oreilles et les yeux grands ouverts, tout le monde s’agite. La grand-tante vieille et rousse ne cesse de soupirer. La tante Lola, elle, lève "toutes les trois minutes un bras en l’air et fait sonner une cascade de bracelets en or qui retentissent comme la sonnette d’un serpent". Sa sœur Sibila, seize mois de moins que lui, a le sens "du raccourci et de la synthèse".
Ici, il y a des vacances à Navacerrada, une intoxication avec des éclairs à la crème avariée, une première cuite prise à l’âge de 11 ans, un premier joint fumé quatre ans plus tard. Ou encore l’apparition de Catherine Barthélemy, bombe sexuelle en bikini avec des "seins immenses en forme de missiles prêts à décoller". Tout à la fois roman, récit et souvenirs, ¡ Sauve qui peut Madrid ! est une découverte. Al. F.
