Livres Hebdo - Comment s'est finalement passée l'année 2012 ?
A - 2 % en tendance annuelle à la fin d'octobre, les chiffres sont moins mauvais que l'impression que nous pouvions en avoir. Ce sentiment vient peut-être de la progression du taux de retour, qui illustre le repli des ventes e n volume, alors qu'elles se maintiennent plutôt en valeur. Il y a toujours plus de nouveautés, de mises en place, et une concentration de l'activité sur les quatre derniers mois de l'année, qui représentent environ 40 à 45 %, en fonction des secteurs.
Mais les analystes considèrent que le livre est une valeur résiliente de la consommation. Il le prouve souvent à Noël !
2012 devait être l'année de démarrage des ventes de livres numériques. Qu'en est-il ?
Le numérique prend plus de place dans les discours que dans les faits : il reste pour le moment à 1,5 % du marché. Pour qu'il se développe, il faut une conjonction d'équipement et d'offre. Les acheteurs de ce matériel attendent une exhaustivité du catalogue, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les liseuses arrivent, mais avec plus de quatre ans de retard sur les Etats-Unis. Les tablettes avec rétro-éclairage n'offrent pas encore le même confort que le papier pour la couleur et restent très chères.
Le numérique suscite de nouvelles réglementations de la chaîne du livre. Quels en sont les enjeux ?
Les métiers du livre n'échappent pas à la logique de désintermédiation profonde qui touche tous les secteurs de l'économie. La Commission européenne, qui rencontre tous les acteurs, a une vision économique avant de s'intéresser à l'exception culturelle, alors que la France prend en compte ces deux éléments. Il est important de faire comprendre cet équilibre aux autorités bruxelloises, qui réglementent la concurrence et la fiscalité. Mais je suis assez optimiste sur l'évolution des esprits, peut-être liée aux difficultés de l'Europe. La mission du Conseil européen est de chercher les points de croissance qui manquent à l'économie : la culture peut les fournir. Et il faut voir le livre comme un élément déterminant d'une politique culturelle.
Où en sont les discussions avec les auteurs sur les clauses numériques du contrat d'édition ?
Auteurs et éditeurs veulent trouver une solution, car face au numérique, leur avenir et leurs intérêts sont indissociables. Nous avons convenu de mener ces discussions dans la plus grande discrétion, ce qui est un gage de réussite. Elles se poursuivent avec intelligence de part et d'autre, et avec la bienveillance d'Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture, qui souhaite qu'elles aboutissent.
Quelques jeunes maisons d'édition proposent un contrat global, mais plus court. Est-ce une piste ?
Les contrats signés avec des auteurs étrangers sont déjà limités à quelques années. Mais un contrat premier ne peut sérieusement porter que sur la durée de la propriété intellectuelle. Un éditeur peut toujours signer des contrats plus courts, mais cela aboutit à une réduction de la valeur du fonds de sa maison et réduit sa capacité d'investir à long terme. L'exemple du compositeur allemand Klaus Schapfl, qui vient d'adapter Le Petit Prince à l'opéra, nous fait réfléchir sur la maturation de la culture dans le temps. Un contrat court, c'est la certitude d'une politique éditoriale de court terme et d'une divergence potentielle d'intérêts entre les éditeurs et leurs auteurs.
Le Syndicat de la librairie française souhaite supprimer la possibilité de remise de 5 %. Qu'en dit le SNE ?
Il faudrait commencer par faire respecter la loi sur Internet, où des vendeurs proposent des livres "état neuf" avec des réductions supérieures à 5 % et jouent sur les frais de port. Le ministère de la Culture est tout à fait préoccupé de cette situation. Les éditeurs ne sont pas opposés à la suppression de ce rabais, et soutiennent volontiers les libraires. Il nous semble cependant que l'important pour les libraires est la fidélisation de leurs clients. C'est aux libraires d'apprécier la qualité des outils de flexibilité et de fidélisation pour attirer de nouveaux acheteurs.
Le médiateur du livre que souhaite le ministère aurait-il un rôle sur ces sujets ?
Les éditeurs et les libraires ont besoin d'un médiateur vis-à-vis des tiers qui ne respectent pas la loi, nous sommes en parfaite osmose sur ce point. Pour les autres sujets, il existe déjà des instances de discussion, et il ne nous semble pas nécessaire de multiplier les réunions.
Une taxe d'un centime sur les lignes de commande de Dilicom est-elle envisageable pour financer le fonds de soutien à la librairie ?
Dilicom s'en trouverait fragilisé. Les commandes ne passent pas toutes par ce système, et une taxe pourrait encourager les plus gros utilisateurs à chercher une solution alternative. Introduire une nouvelle taxe est aussi générateur de nouvelles charges administratives. Je crois plus en l'extension du rôle de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), via la future Banque publique d'investissement, pour aider éditeurs et libraires à faire face aux cycles d'activité. Pour résoudre ce problème, les éditeurs offrent souvent des délais de paiement très allongés, mais ils n'ont pas vocation à devenir les banquiers des libraires.
Un accès réservé des librairies aux marchés publics locaux est-il possible ?
Nous soutenons une révision des montants d'appel d'offres du code des marchés publics qui favoriserait effectivement les librairies locales. Mais les éditeurs sont clairement opposés à la réduction de la remise aux bibliothèques à 5 % au lieu de 9 %. Comme elles n'auront pas de budget supplémentaire, cette mesure n'aboutirait qu'à une réduction des commandes en volume, et ne changerait rien au global.
Quelles pourraient être les solutions pour assurer aussi une place à la librairie dans la vente de livres numériques ?
La multiplication des tablettes, donc des intermédiaires entre lecteurs et producteurs de contenus, est très positive. Nous allons probablement voir l'émergence de tablettes proposées par les acteurs de la profession, par exemple, pour la cuisine, le scolaire, la BD, les éditeurs de presse. C'est aussi une opportunité pour les libraires physiques de s'impliquer dans l'économie de la lecture numérique. Et il existe des solutions d'intéressement des libraires aux futures ventes sur les tablettes pour qu'ils soient en mesure de gagner des clients.
