Bonnes feuilles

De La Pléiade à New York, l’exil de Jacques Schiffrin

Jacques Schiffrin, portrait d’un éditeur new-yorkais, fin des années 1940 - Photo ©Archives Schiffrin

De La Pléiade à New York, l’exil de Jacques Schiffrin

Livres Hebdo a sélectionné les bonnes feuilles de la biographie sur le fondateur de la Pléiade, Jacques Schiffrin, un éditeur en exil. L’ouvrage est à paraitre au Seuil le 7 octobre. 
 

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Par Pauline Gabinari,
Créé le 05.10.2021 à 22h08

Fondateur de La Pléiade, Jacques Schiffrin a voué sa vie à une édition rigoureuse et exigeante, sans compromis commercial. Obligé de fuir la France en 1941 à cause de sa confession juive, il se réfugie jusqu’à la fin de sa vie à New York, ville tout autant haïe que promesse d’un nouveau souffle éditorial. Grace à une écriture vivante, Amos Reichman nous plonge dans l'existence de cette silhouette émaciée et mélancolique dont l’exil fut le fardeau de nombreux intellectuels de cette époque. Sa biographie est à paraitre au Seuil le 7 octobre. 
 
La naissance de La Pléiade
« C’est un jeune adulte qui s’installe dans le pays rêvé, celui de la littérature et des Lumières, de la tolérance et de l’intelligence, autour duquel il n’en finissait plus de tourner. Jacques Schiffrin arrive en France. […] Il est temps pour lui de lancer le projet qui deviendra celui de sa vie. Il porte le nom d’une constellation. Mais aussi d’un groupe de poètes de la Renaissance française repris au xixe siècle par un cercle de poètes russes. C’est une maison d’édition qui s’appelle La Pléiade. » 
 
Aux origines de la collection 
« Avec cette « Bibliothèque », Schiffrin souhaite mettre à la disposition du grand public, dans un format maniable, les monuments de la littérature mondiale. Il veut démocratiser la qualité, la « Pléiade » ne se présentant pas à l’origine comme une édition luxueuse mais bien comme une collection destinée au plus grand nombre : « Le Proust de la Pléiade, par exemple, était moins cher que la totalité des volumes en édition ordinaire », rappelle André Schiffrin. 
 
Viré de sa maison 
« Le 24 octobre 1940, à Montoire, le maréchal Pétain rencontre Adolf Hitler et annonce publiquement, dans une adresse aux Français radiodiffusée, sa détermination à collaborer avec les vainqueurs. C’est dans cet invraisemblable contexte que Jacques Schiffrin, juif mais peu voire pas du tout pratiquant […] reçoit la lettre de licenciement de Gaston Gallimard. Sans doute Jacques Schiffrin s’attendait-il au pire. Il avait bien conscience du tour tragique que prenait l’histoire, quand la seule naissance devient preuve arbitraire de culpabilité. »
 
Départ pour l’Amérique 
« Dernière humiliation, rage rentrée, pour Jacques Schiffrin qui quitte aux cris de la haine un pays hier encore rêvé. La famille regarde une dernière fois cette étrange France, où Jacques et Simone s’étaient rencontrés, André était né, un éditeur avait inventé la « Pléiade ». Jacques Schiffrin peut-il imaginer qu’en ce 15 mai 1941 il marche pour la dernière fois sur le sol métropolitain ? »
 
La terrible traversé 
« Le trajet des Schiffrin en rappelle d’autres, piteux voyages vers la liberté, comme les stigmates d’un passé qui ne les quitterait jamais tout à fait. C’est André, devenu à son tour éditeur, qui écrit : « L’histoire est fondamentalement la même pour toutes les traversées. Les passagers se sont vu refuser jusqu’à l’originalité de leur souffrance. Ils ont tous vécu la même chose et le résultat a été que personne n’en a parlé une fois arrivés en Amérique. En fin de compte, nous avions de la chance d’avoir réussi à nous échapper. » 
 
A New York, Pantheon Books
« C’est avec un personnage qui lui ressemble, son double du monde d’hier, Kurt Wolff, qu’il finit par s’associer, début 1944. Jacques Schiffrin se voit ainsi confier par Kurt Wolff une collection de textes en français : « The French Pantheon Books ». Le catalogue de la maison d’édition la présente comme « une nouvelle collection sous la direction de Jacques Schiffrin, publiant des livres en français d’incroyables auteurs français contemporains. » 
 
Schiffrin, éditeur international 
« La condition d’exilé, si elle enferme et dépossède l’individu au point qu’il ne se retrouve plus, peut également, revers étincelant de la médaille, permettre au déraciné de s’élever à la mesure du monde. De Rio de Janeiro à Paris, en passant par Montréal, Alger et Buenos Aires, Jacques Schiffrin, depuis New York, tisse des liens avec une multitude d’espaces. […] New York est l’un des centres de cet espace mondialisé de l’édition française, et Jacques Schiffrin en est un personnage incontournable. »
 
Nostalgie du pays
« Le manque ressenti par Jacques Schiffrin se lit dans ses lettres, objets magiques qui font le voyage qu’il n’accomplit pas, lien entre New York et ses souvenirs. Les échanges avec André Gide débordent d’allusions à ce possible retour, à ce désir ininterrompu de retrouver les rivages amis. […] Là-bas, il a abandonné non seulement un quotidien, sa collection, mais aussi ses plus proches amis, sa famille. Jacques s’inquiète de leur sort et éprouve dans le même temps une forme de mauvaise conscience, celle d’avoir vécu à l’abri du pire. »
 
La difficile expérience du suranné
« La guerre mondiale n’en reste pas moins un point de rupture, une césure dans le cours du temps, avec son avant, son après et son définitivement trop tard. Le conflit terminé, une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes agite le monde littéraire. Schiffrin est né au XIXe siècle, au pays des tsars. Ses grands amis s’appellent André Gide et Roger Martin du Gard. Déjà, Jean-Paul Sartre et Albert Camus dominent la république des lettres. En avril 1945, à Barcelone, Gustavo Gili est mort. » 
 

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