L'agité du bocal. Raymond Queneau, qui fit des recherches et écrivit sur le sujet, appelait ça un « fou littéraire ». En d'autres termes, un magnifique « agité du bocal » dans le champ de la littérature. Les exemples les plus glorieux de ces inattendues émergences pourraient se nommer Lautréamont, Raymond Roussel ou Antonin Artaud. Il en est un autre qui depuis plus d'un demi-siècle agite le Landerneau des lettres des deux côtés de l'Atlantique : Louis Wolfson, un Américain (né semble-t-il à New York en 1931), écrivain de langue française. Clochard céleste et énigme fascinante. Si, quelque soin qu'il ait mis à toujours effacer ses traces, l'on n'était pas assuré de la réalité de son existence, il aurait fallu l'inventer. Wolfson, c'est l'auteur d'une œuvre presque unique, sidérante, malade et essentielle, Le schizo et les langues, dont l'apparition (le terme ici semble bien adapté) va bouleverser le monde psychanalitico-littéraire parisien tout au long des années 1960 et 1970. De larges extraits en sont publiés d'abord dans les pages des Temps modernes à l'initiative de Sartre et Beauvoir. Après bien des avanies éditoriales, Jean-Bertrand Pontalis publiera le livre en 1970 chez Gallimard, accompagné d'une préface de Gilles Deleuze. Plus tard, Foucault, Le Clézio, Echenoz et d'autres ne seront pas en reste de leur admiration. Ni, dans son pays de naissance, Paul Auster, qui lui consacra un beau texte, « New York Babel ».

Ce texte est inclus dans le passionnant récit biographique, Un certain Louis Wolfson, que consacre Étienne Fabre à cet intrigant et inquiétant personnage. Avant toute chose, précisons que ce n'est pas un, mais deux écrivains qui sont ici à saluer : Wolfson bien sûr, mais aussi son biographe dont les qualités d'écriture sont tout à fait remarquables. Il suit son sujet et maître tout au long des étapes erratiques de sa drôle de vie : New York auprès de sa mère, puis après la mort de celle-ci, Montréal (pour y entendre les prostituées parler français, dira-t-il...) et enfin Porto Rico, afin de se rapprocher d'un centre d'observation spatial qui le fascine. C'est là, alors qu'il est plongé dans la plus grande misère, que Wolfson va gagner des millions de dollars dans une loterie (il reperdra tout ou presque, des années plus tard, lors de la crise des subprimes...). Tout est improbable dans la vie de cet homme, comme le sont les quelques textes dont il a consenti de plus ou moins bonne grâce à la publication.