Juridique

Intelligence artificielle et droit : la Cour de cassation au rapport

L'intelligence artificielle et le droit d'auteur - Photo Amine Bouzidi/ Livres Hebdo

Intelligence artificielle et droit : la Cour de cassation au rapport

Présidente de chambre à la Cour de cassation, Sandrine Zientara, a remis le 28 avril dernier au Premier président de celle-ci un rapport sur l’usage de l'intelligence artificielle dans le monde judiciaire et à la Cour.

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Par Vincent Vigneau
Créé le 10.06.2025 à 19h11

Le 28 avril dernier, Sandrine Zientara, présidente de chambre à la Cour de cassation, directrice du service de documentation, des études et du rapport de la Cour, a remis au Premier président de celle-ci un rapport (accessible en ligne sur le site de la Cour) qui identifie trois grandes catégories de cas d'usage pour l'intelligence artificielle (IA) : l’exploitation des écritures des parties, la recherche et l’exploitation des bases de données documentaires et l’aide à la rédaction.

Ce rapport vient à point nommé, au moment où tous les acteurs du monde judiciaire s’interrogent sur les bouleversements, craints ou espérés, que l’utilisation de l’IA va provoquer dans un milieu qui s’est longtemps cru, sans doute à tort, à l’abri des révolutions technologiques.

L'idée que l'IA et l'ouverture des données judiciaires (open data) pourraient permettre d'anticiper les décisions judiciaires futures gagne du terrain. Il est évident que l'utilisation de l'IA dans la justice offre des perspectives positives. Analyser les décisions passées pour prédire les décisions futures ne peut que favoriser l'harmonisation des jurisprudences, l'amélioration de la prévisibilité de la justice et le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

Cependant, cette approche n'est pas sans risques ni limites, notamment au regard des risque de biais et d’hallucination auxquels sont régulièrement sujets les systèmes algorithmiques. Et de la potentialité d’un effet performatif de ces systèmes, qui pourrait influencer les décisions des juges et favoriser un certain conformisme.

Une approche méthodologique, éthique et pragmatique de l'IA

On l’oublie parfois, la décision judiciaire ne résulte pas toujours d'une application mécanique de la règle de droit. Elle dépend souvent de circonstances factuelles complexes que le législateur n'a pu anticiper et de la qualité des preuves qui peuvent être apportées par les parties au soutien de leurs prétentions. Le droit est une matière souple et vivante qui évolue avec la société. Il ne peut être entièrement modélisé par des algorithmes. Les juges doivent rester libres de juger en fonction de leur conscience et de leur sensibilité, sans être contraints par des modèles prédictifs. Comme le soulignait le Doyen Carbonnier, nous avons besoin de juges qui ne soient pas des « machines à syllogisme », mais des hommes et des femmes capables de juger avec intuition et sensibilité.

Fort heureusement, la présidente Zientara ne propose pas de transformer la Cour de cassation en « e-Court ». Son rapport préconise au contraire une approche méthodologique, éthique et pragmatique de l'usage de l'IA, en insistant sur la nécessité de créer des instances internes de suivi opérationnel et éthique, ainsi que la formation des professionnels aux enjeux de l'IA. Si le recours aux algorithmes est envisagé comme outil d’aide à la rédaction, le rapport l’exclut radicalement comme aide à la décision.

Ce rapport marque ainsi une étape cruciale dans l'intégration de l'intelligence artificielle à la Cour de cassation. Il souligne l'importance de l'innovation technologique tout en insistant sur la nécessité de préserver l'intuition et la sensibilité humaines dans le processus judiciaire. Les recommandations du rapport offrent un cadre précieux pour les juridictions françaises et européennes.

À l'ère de la transformation numérique, il est essentiel de continuer à réfléchir collectivement à l'utilisation responsable de l'IA, en veillant à ce que la technologie serve l'intérêt général et renforce la confiance dans notre système judiciaire.

P.S. Cette chronique n’a pas été rédigée par ChatGPT

Vincent Vigneau

Olivier Dion - Vincent Vigneau

 

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