Espèce invasive. Vous qui entrez ici, abandonnez toute logique, toute idée de comprendre ce que vous lisez. Et laissez-vous séduire par ce texte, cette histoire où il ne se passe strictement RIEN, dans un univers onirique, feutré, où des roseaux envahissent tout et deviennent le seul sujet de conversation autorisé des rares habitants de la ville de Nova Radom (NoRa).

Des scientifiques dont on ignore l'objet des recherches (astronomie ?), sont recrutés au congrès de Pillitzsee, comme le narrateur, Jean. Celui-ci accepte de participer, en tant que Curateur, au Programme décidé par le Directoire : construire un gigantesque télescope « capable de remonter le temps, d'explorer les limites de l'univers, de contempler la naissance du monde ». Mais rien ne vient. Il traîne son ennui toute la semaine, attendant la soirée du samedi où on se retrouve à la Maison Commune pour boire du Gûl, un genre d'alcool huileux à base de roseaux, qui permet de lutter contre la puanteur et les miasmes que ceux-ci diffusent. Les roseaux obscurcissent tout − pour circuler, le train doit avoir une locomotive faucheuse −, sauf au printemps, un mois par an, où l'atmosphère s'adoucit et la lumière revient. Les années passent, lentement, et on n'a même pas le droit, à Nova Radom, d'en parler. Jean va accueillir à son tour un nouveau Curateur. Et les Temps-Révolus vont encore durer longtemps. On pense à Buzzati, à Gracq, à Jacques Abeille et ses Jardins statuaires. Un fantastique froid, élégant, servi par une écriture limpide, envoûtante. De Villemin, entrez dans le rêve.