GRAND PRIX DES BIBLIOTHÈQUES 2021

[La bibliothécaire de l'année] Gwénaëlle Lancelot, la bâtisseuse (3/5)

Gwénaëlle Lancelot, directrice de la médiathèque et du fablab des Franciscaines de Deauville. - Photo Nai?ade Plante

[La bibliothécaire de l'année] Gwénaëlle Lancelot, la bâtisseuse (3/5)

Livres Hebdo présente chaque semaine un des candidats au prix du Bibliothécaire de l’année 2021, pour laquelle nos lecteurs professionnels du livre sont appelés à voter. Aujourd’hui, Gwénaëlle Lancelot, directrice de la médiathèque et du fablab des Franciscaines de Deauville.

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Par Fanny Guyomard,
Créé le 27.08.2021 à 11h00

Elle casse les murs, décloisonne les espaces, relie les savoirs. Et promène son sourire et son regard pétillant dans la médiathèque et le fablab des Franciscaines, le nouveau centre culturel de Deauville, son œuvre. Une course de fond de seize ans.

Enfant, Gwénaëlle Lancelot se destinait à une carrière sportive. Quand elle ne tient pas son stylo d’écrivaine en herbe ou l’archet de son violon, elle joue au tennis. En 2019, elle est sacrée championne de Normandie en 4e série. Le handball, c’est fini depuis ses 18 ans. « Avec l’ASPTT Saint-Lô, on est allées jusqu’en nationale 2 ! », renseigne-t-elle de sa voix gaie et juvénile.

Visionnaire

La Manchoise de 47 ans est née et a grandi à Saint-Lô, « dans une famille de lectrices ». « Il n’y avait pas de Noël sans livres. Et avec ma sœur, on adorait être malades, car ma grand-mère nous en apportait un », rit-elle. Jusqu’à leur douze, treize ans, leur mère leur lit une histoire au lit. Les contes de Grimm, de Perrault. Leur père est un grand lecteur de la presse. Et les anciens racontent la Guerre, le débarquement.

La jeune fille forge son esprit romanesque à travers Montaigne et Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire. Son mémoire de maîtrise (sciences de l’éducation, à la Sorbonne — pour le prestige —, après un DUT métiers du livres à Nanterre), c’est sur Stefan Zweig. « Un engagé, un visionnaire… »

Créatrice/ bâtisseuse

Premier poste à la bibliothèque parisienne de Vandamme. Puis elle rejoint, au centre de formation aux carrières des bibliothèques (CRFCB), Annie Béthery et Marielle de Miribel, qui la forment à la relation aux usagers. Avant d’être adoubée responsable de la section ado à la bibliothèque d’Orly.

1998 sonne une nouvelle manche sur les terres familiales, dans les pas de sa mère qui travaillait à la maternité (créée par la tante) et de son père à l’état civil : elle doit donner naissance et élever une médiathèque.

Plus précisément, un centre culturel, dans les anciennes halles à blé de Villedieu-les-Poêles, où la jeune femme égrène ses idées foisonnantes. « C’était un laboratoire d’expérimentation, qui mélangeait les genres. Certaines personnes ne comprenaient pas que je mette dans la même pièce des CD et des livres qui servent un même thème », se souvient l’obstinée, loyale à ses convictions.

Le combat paie, car en 2004, rebelote : elle doit créer une médiathèque cette fois dans une ancienne école désaffectée, à Deauville.

A cheval sur plusieurs savoirs

Première volonté du maire Philippe Augier : constituer une collection dédiée au cheval (marque de la ville), avant même de proposer aux habitants de la fiction ou des documentaires généraux. La directrice rencontre des spécialistes à Auteuil, récolte des documents de France Galop, de l’éleveur de chevaux de courses Marcel Boussac, et finit par constituer un pôle associé de la BNF.

En parallèle, elle monte son équipe de bibliothécaires et participe aux événements culturels de Deauville, comme le Prix des ados du Festival Livres & Musique, qui fait participer plus de 5000 jeunes Normands. Mais il faut déjà plancher sur un nouveau lieu pour la médiathèque.

En 2021, après plus de dix ans de travail (éprouvant), le centre culturel ouvre enfin ses portes, dans un ancien couvent qui mêle musée, salle de spectacle et médiathèque. La trinité de la culture, de la rencontre et de l’apprentissage. « Ce qui nous permet de vivre », glisse la sensible combative.

L’usager au centre

Le livre lui a donné la « joie de vivre ». La musique : de la force. Les films nous émancipent, comme la création numérique. « C’est la rencontre de tout cela qui illumine nos vies, nous éclaire, nous conduit », s’enthousiasme l’idéaliste, rapidement lyrique.

Et son Dieu dans tout ça, c’est l’usager. « Pour moi, il est au centre de tout. C’est bête, mais je veux que les gens soient heureux. Comme dans le sport, être heureux ensemble. » Elle a en mémoire Monsieur Du Ruisseau, le bibliothécaire qu’elle allait souvent voir, enfant. « Il comprenait qui j’étais et le livre qui allait me plaire. Il tapait juste à chaque fois. »

Aujourd’hui, elle se ressource dans son jardin, à travers la permaculture, et a envisagé devenir maraîchère après l’aventure de Deauville — « mais pas facile de se reconvertir… ». Dans une prochaine aventure, elle serait directrice générale des services, sur le terrain, en contact avec les habitants. Avec les Franciscaines, Lancelot n’a pas encore trouvé son graal.
   
 

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